Hiding in ways down below || Laszlo & Valkyria

Être à l'heure, c'est déjà être en retard. Voilà comment Valkyria avait coutume de considérer ceux qui avaient le malheur de la faire attendre jusqu'à maintenant, et le simple fait de savoir qu'elle ne pourra pas réprimander comme il le mérite celui qui tarde à la rejoindre l'exaspère. L'Héritière est nerveuse. Ses doigts se livrent à une petite danse rythmée, tapotant ses bras croisés sans discontinuer tandis que, recluse dans son coin d'ombre, elle scrute la ruelle un peu crade dans laquelle on lui a donné rendez-vous pour récupérer ses nouveaux papiers d'identité - chèrement payés, qui plus est. Étant donné la quantité d'argent qu'elle lui a filée et le mal qu'elle a eu à l'obtenir puisqu'il n'était pas question d'utiliser sa carte de crédit, cette petite racaille pourrait au moins se donner la peine d'être à l'heure.

On ne peut pas dire que son arrivée à New York ait été des plus classiques. Son pied touchait à peine le sol américain que la jeune femme cherchait à disparaître et pour ce faire, il valait mieux qu'elle se dépêche de quitter la ville dans laquelle elle devait, initialement, retrouver son contact. La visite de Laszlo en Angleterre ne datait alors que de quelques semaines, il n'aurait pas pu oublier son visage même en le voulant très fort alors, bondissant à la première occasion dans un portail direction Phoenix, elle s'est bien gardée de tenir qui que ce soit au courant de son changement de programme.
C'est comme ça qu'elle s'est retrouvée à dilapider beaucoup trop vite le liquide qu'elle s'était félicitée de retirer avant son départ ; qui eut cru que l'argent disparaissait si vite quand il n'est pas sur un compte en banque ? Quelques nuits d'hôtel, c'est tout ce que sa réserve a tenu. Peut-être que l'hôtel en question était un peu trop luxueux ou peut-être qu'elle a sous-estimé la majoration qu'on lui a demandée pour que son nom ne soit pas inscrit au registre ; dans tous les cas l'Héritière s'est retrouvée à sec beaucoup plus vite que prévu, si bien qu'elle a eu recours à des moyens franchement discutables pour se refaire un petit pécule, de quoi éviter de dormir dehors et cette fois, elle serre un peu les dents pour subir sans - trop - broncher l'inconfort d'un hôtel sans le moindre service de chambre. Il y a vraiment des gens qui se contentent de ça en règle générale ? Une partie supplémentaire de son budget - un budget, sérieusement, comme si elle avait été habituée à restreindre ses dépenses - a été consacrée à l'achat de vêtements un peu plus discrets que les siens, et d'une élégance douloureusement discutable. Pour un peu, si elle n'avait pas hélas conscience des enjeux de sa rébellion, elle se demanderait si ça valait vraiment le coup de s'infliger tout ça.

Sa solution risque de ne pas en être une très longtemps ; il faut absolument que Valkyria trouve le moyen de contacter sa cousine, et puisqu'elle ne sait même pas si Raina est encore en ville, c'est plutôt mal parti. La première étape est de pouvoir circuler sans attirer l'attention et de ne plus avoir à serrer les fesses à chaque fois qu'un regard se pose sur elle : avec de faux papiers, elle pourra toujours prétendre n'avoir rien à voir avec cette Héritière qu'on recherche sûrement partout. Et pour les obtenir, elle a besoin que le type qu'elle attend daigne faire ce pour quoi elle l'a payé, à savoir : se pointer à ce rendez-vous.
Un moment supplémentaire passe, durant lequel elle achève de s'impatienter, et lorsque finalement une silhouette aussi dissimulée dans l'ombre qu'elle l'est elle-même s'immobilise à quelques pas de là, sans qu'elle ne puisse pourtant distinguer son visage, elle se redresse vivement et pousse le plus sec de ses soupirs exaspérés, levant le menton dans un réflexe princier qui la trahit bien plus que ne l'aurait fait sa carte d'identité si elle l'avait brandie sous le nez de l'inconnu. « Ce n'est pas trop tôt. J'ignorais qu'il était à ce point ardu d'honorer un rendez-vous ; ce n'est pourtant pas faute d'avoir mis le prix pour la qualité du service. J'ose espérer que vous avez ce que vous deviez m'apporter. »

Avec tous les changements qui se produisaient en ce moment, le dragon de fumée ne savait plus où donner de la tête, comme gérer les choses, comment vivre les choses en réalité. Et si il avait pu prendre le temps de se poser deux minutes pour y réfléchir calmement, il aurait peut-être pu en tirer des leçons. Mais il n'avait pas le temps pour ça, il n'avait pas le temps de prendre le temps, justement et c'était dans un empressement certain qu'il s'était rendu à Phoenix, attiré par des traces singulières, par la présence d'une dragonne tout aussi singulière dans cette ville. Depuis qu'il l'avait rencontrée en Angleterre, il avait bien compris que cette femme était une personne à prendre avec des pincettes, mais il ne s'était pas douté de ce qui lui était tombé dessus, du fait qu'elle pourrait ignorer tous ses engagements pour fuir, comme une enfance capricieuse. Du moins, c'était ainsi qu'il voyait la chose...

Quand elle n'était pas venue à leur rendez-vous, Laszlo avait bien compris que quelque chose clochait. L'avait-il dit à cette noble famille...? Non, il avait ses propres intérêts à couvrir la dragonne, ses propres pièces sur un échiquier invisible aux yeux des autres, aux yeux de ceux qui ne jouaient pas à son jeu. Lui-même n'était pas sûr de voir l'entièreté du plateau et de saisir toutes les subtilités de ce jeu, tellement il lui semblait commettre d'erreurs ces derniers temps. Qu'importait, il pourrait au moins tâcher de rattraper l'une de ces bévues en allant retrouver la dragonne de pierre. Croyait-elle d'ailleurs vraiment être bien cachée...? Il n'avait pas fallu bien longtemps aux contacts de Laszlo pour repérer une anglaise aux habitudes luxueuses, à l'attitude princière et aux manières hautaines. Elle avait encore beaucoup à apprendre si elle voulait réellement passer inperçue et se faire oublier de sa famille et de ceux qui la recherchaient...

C'était utile d'avoir des contacts, de nombreux contacts, forgés de différentes manières qui avaient tous un point commun : une reconnaissance envers le dragon qui les poussait à l'aider dans ses projets. Le contact en question était un faussaire, pas un des plus doués qu'il ait vu mais généralement ça suffisait à tromper les gogos qui venaient dans sa boutique et n'y connaissaient quand il essayait de leur vendre une babiole à la place d'un trésor. Pour les papiers d'identité, il devait être bon aussi, sans doute. Ce n'était pas le sujet. Le sujet c'était qu'il m'avait parlé de cette "petite bourge", comme il l'appelait, et m'avait dit quand devait avoir lieu son rendez-vous avec elle. Me voilà donc dans les rues de Phoenix, marchant dans l'ombre jusqu'à l'apercevoir, un peu plus loin. Elle le vit également, se dressant fièrement, arrachant un petit sourire moqueur au dragon, qui se changea en rire lorsqu'elle lui reprocha d'être en retard.

Le dragon de fumée avança en laissant des volutes derrière lui, danser dans la faible lumière. Son chapeau gardait son visage dans l'ombre mais l'aspiration d'une bouffée de tabac fit rougeoyer la braise de la cigarette, éclairant juste assez son visage pour qu'on puisse voir son air courroucé et fermé. " Je ne crois pas qu'il soit bien poli de reprocher à quelqu'un de ne pas honorer un rendez-vous, n'est-ce pas, madame Dragonstone...? " reprocha-t-il à son tour en arrivant à sa hauteur. La fumée âcre l'avait suivi, une fumée qui ne semblait pas aussi naturelle que celle qu'une simple cigarette aurait laissé traîner derrière elle. " Je crois que vous avez quelques explications à me fournir, très chère. Et j'ose espérer que vous allez me les donner sans que j'ai besoin de hausser le ton ou de vous courir après parce que vous aurez eu l'idée saugrenue de courir... "

Pourquoi est-ce qu'il rigole, ce malotrus ? C'est totalement déplacé et parfaitement inapproprié, il ne devrait pas faire ça. Elle va se mettre en colère, et elle aime beaucoup trop ça pour pouvoir s'en empêcher.
En tout cas, c'est ce qu'elle commence par se dire, jusqu'à ce que le rougeoiement d'une cigarette à l'orée du visage inconnu ne lui en révèle les traits. Alors seulement elle réalise qu'effectivement, ce rire n'avait pas la voix qu'elle attendait, et qu'effectivement, la silhouette cachée sous le chapeau n'est pas non-plus celle du petit malfrat qui lui avait promis de nouveaux papiers. Elle s'est faite berner. Comme une idiote. « Je ne crois pas qu'il soit bien poli de reprocher à quelqu'un de ne pas honorer un rendez-vous, n'est-ce pas, madame Dragonstone...? »
La question se pose, songe-t-elle en serrant les dents, horrifiée de voir s'envoler ses espoirs d'avoir eu tort en reconnaissant Laszlo Kovacs sous le chapeau sombre de l'homme qui s'immobilise après avoir fait quelques pas de plus pour la rejoindre. En soi, ce qui est malpoli, c'est de ne pas honorer un rendez-vous, et pas d'en faire le reproche. En revanche, de sa position à elle, face à lui, c'est effectivement d'une audace démesurée. Et cette fois, elle n'est clairement pas en position de se rebiffer. « Je crois que vous avez quelques explications à me fournir, très chère. Et j'ose espérer que vous allez me les donner sans que j'ai besoin de hausser le ton ou de vous courir après parce que vous aurez eu l'idée saugrenue de courir...
– Comme si j'allais m'enfuir comme une vulgaire voleuse, siffle-t-elle, bien plus contrariée par l'idée d'avoir été coincée de cette façon que par celle de se faire insulter. »
Il faut qu'elle réfléchisse, et qu'elle réfléchisse vite. Puisque ça fait des semaines déjà qu'elle a ignoré ce rendez-vous avec l'homme qui l'a finalement retrouvée, elle est partie du principe que sa famille était au courant de sa désertion ou, en tout cas, de sa disparition ; mais il faut qu'elle s'en assure avant toute autre chose. « Je suis surprise de vous trouver sur mes traces, Laszlo. J'imaginais que les miens enverraient une équipe spécialisée dans l'enquête ou la traque, mais ils ont peut-être préféré vous payer vous. »
Oui, non ? Nerveuse, elle sonde le visage qui n'apparaît face à elle que par intermittence, lorsque la cigarette s'embrase, mais il lui est impossible de trouver dans les yeux de son interlocuteur autre chose que l'amusement caractéristique de ceux qui ont réussi leur coup, et les menaces qu'il sait ne pas avoir besoin de formuler. Essayer de s'enfuir maintenant ne servirait à rien, elle n'a besoin que d'un regard pour le savoir : dans tous les cas, pour échapper à cette conversation, il faudrait se battre. Mais avant ça, elle a besoin d'informations. « Ou pas ? Que faites-vous ici, exactement ? »

La dragonne en face de lui ne semblait se douter de rien, comme si le changement de silhouette entre celui qu'elle attendait et celui qu'elle avait vraiment en face de lui ne la dérangeait pas plus que cela. Peut-être l'avait-elle à peine remarqué en réalité, il avait remarqué son côté hautain, son manque d'attention envers les choses qui ne la touchaient pas, envers les gens plus simples et ordinaires. Si il n'avait éveillé son attention, ce n'était que parce qu'il était de l'Ordre, que parce qu'il était venu négocier avec sa famille. Sinon, lui aurait-elle seulement accordé un regard ? Peut-être pas. Cela le faisait rire, parce qu'elle n'avait rien de mieux que lui, certainement pas ce sang soi-disant noble qui coulait dans ses veines : il avait le même genre de sang dans les siennes après tout.

Il s'était arrêté à bonne distance d'elle, au cas où il lui prendrait l'idée de se battre, de lutter contre lui. Il se savait mieux entraîné, probablement, et avec plus d'expérience, mais il ne valait mieux pas trop parier sur ses capacités face à celle de la dragonne, il se rappelait bien avoir été surpris pendant la guerre par certains dragons plus jeunes mais aussi bien hardis. Il se méfierait d'elle mais ne la laisserait pas filer, pas question qu'elle lui glisse entre les doigts, ça signifierait trop de problèmes pour lui avec ce qu'il avait prétendu...Il la regardait, l'observait, analysant ses réactions, sa posture. Il voulait savoir si il allait devoir courir ou si elle serait plus raisonnable. Visiblement, elle voulait discuter. C'était parfait pour lui.

" Ce qui je fais ici ? Allons, ne jouez pas à l'ingénue, vous savez que je suis là pour vous ramener chez vous non...? Vous n'avez pas donné beaucoup de nouvelles et m'avez mis dans un sacré embarras, vis-à-vis des vôtres, mais aussi des miens... " commença-t-il en laissant la braise rouge éclairer encore un peu son visage avant de jeter le mégot par terre et de l'écraser du pied. Il soupira, levant une main pour se lisser la moustache, dans l'ombre de son chapeau. " Cependant...Je pense que vous et moi pouvons...tirer profit de cette situation plus que délicate, vous ne pensez pas ? Vous ne voulez pas que votre famille vous court après, moi je ne veux pas passer pour l'incapable qui a ruiné les négociations. " Il laissa ses pas l'approcher un peu plus de la dragonne, remettant les mains dans ses poches. Il donnait peut-être cette impression de menace mais il n'était pas encore agressif, simplement vigilant. " Trouver un terrain d'entente sera possible, je n'en doute pas, vous êtes une femme intelligente, pas vrai...? "

« Ce qui je fais ici ? Allons, ne jouez pas à l'ingénue, vous savez que je suis là pour vous ramener chez vous non...? »
Alors les Dragonstone ont effectivement demandé à Laszlo de la retrouver, croit-elle comprendre, légèrement rassurée de voir ses lacunes se combler au moins au sujet de la situation précise. Qui sait quoi, qui veut quoi, c'est le genre de choses qu'il est essentiel de savoir lorsqu'il est question de négociations, et quelque chose lui dit que la conversation qui s'esquisse s'approche de ce cas de figure plus que d'aucun autre. « Vous n'avez pas donné beaucoup de nouvelles et m'avez mis dans un sacré embarras, vis-à-vis des vôtres, mais aussi des miens... »
Ah, elle veut bien le croire ; Valkyria aurait adoré pouvoir continuer à faire comme si ça n'était pas son problème mais il semblerait que ce soit en train de le devenir. Figée, sur ses gardes, elle ne quitte pas des yeux le Dragon qui jette son mégot sur le sol avant de l'écraser sous sa semelle. C'est grossier, songe-t-elle, sans rien en dire pourtant. Quelque chose lui souffle que ce n'est pas le moment de le mettre en colère, l'homme qui semble encore parfaitement tranquille. Plus qu'elle, en tout cas. « Cependant...Je pense que vous et moi pouvons...tirer profit de cette situation plus que délicate, vous ne pensez pas ? Vous ne voulez pas que votre famille vous court après, moi je ne veux pas passer pour l'incapable qui a ruiné les négociations. »
Laszlo s'avance un peu plus, crevant sans souciller la distance de sécurité que la Dragonne se satisfaisait de voir encore indemne. Elle aurait bien reculé, mais ça reviendrait à trahir sa nervosité et il est primordial qu'elle continue d'avoir l'air sûre d'elle. Dans les mots que vient de prononcer son vis à vis, elle croit avoir de quoi négocier ce qu'il va lui réclamer maintenant. Parce qu'il s'agit bien de ça, non ? Tirer profit de la situation, elle sait ce que ça veut dire. Elle était diplomate, il n'y a pas si longtemps. « Trouver un terrain d'entente sera possible, je n'en doute pas, vous êtes une femme intelligente, pas vrai...?
– Votre question m'insulte, répond-elle tout d'abord, froidement. Vous savez parfaitement à qui vous avez affaire alors épargnez-moi vos rhétoriques démagogues. »
Elle les a beaucoup trop usitées elle-même pour s'y laisser prendre ; ce genre de compliments, même s'il avait été sincère, n'a jamais fonctionné avec ceux et celles qui ont eu besoin de se battre pour gagner le respect qui leur est désormais dû. Essayer de lui cacher une menace sous une manœuvre de ce genre a autant de chance de succès que d'entreprendre de percer un mur de pierres avec de la fumée. « D'après ce que vous dites, nous avons déjà un terrain d'entente : Prétendez ne pas m'avoir retrouvée, et non seulement ma famille ne me cherchera pas, mais en plus vous ne risquerez pas de passer pour un incapable, ou un rustre, ou quoi que vous soyez qui aurait pu me convaincre de renoncer à cette alliance. »
Si son image au sein de l'Ordre est si importante pour lui, alors le Dragon n'a aucune raison de la balancer, puisqu'il se compromettrait, d'après ses propres mots. La situation ne semble pas si catastrophique que ça, si on s'en tient à ce que Laszlo prétend ; pourtant elle a bien l'impression qu'il ne se serait pas embêté à la retrouver en personne pour la tenir au courant de sa petite manigance. Il doit vouloir autre chose. « Votre silence nous sert tous les deux. Il n'y a rien à marchander. »

Le dragon esquissa un sourire, un brin mauvais, quand elle s'offusqua qu'il l'insulte. Si elle était si facile à insulter, elle n'avait pas fini de s'offusquer alors, heureusement qu'elle n'était pas une dragonne télépathe, les choses auraient sans doute été bien différentes. Et bien plus compliquées également. Mais il comprit bien la situation, il l'avait déjà comprise mais son attitude ne faisait que le lui confirmer un peu plus : elle était bien trop fière pour croire qu'elle s'était faite avoir. Pourtant, c'était ce qui s'était produit, littéralement, elle n'avait pas su cacher ses traces et n'importe qui de sa famille l'aurait retrouvé sans beaucoup avoir à faire d'efforts. Il avait eu à se cacher et l'avait fait bien mieux qu'elle, puisque lui ne s'était pas fait prendre par ses ennemis à peine quelques semaines après sa fuite...La preuve ? Il était en vie aujourd'hui pour pouvoir en parler et pas au fond d'un trou à pourrir avec les siens en maudissant le nom des Magyar même dans la mort.

Mais elle, elle ne comprenait pas ce qu'il y avait en jeu. Elle croyait que ce n'était qu'un jeu de pouvoir avec l'Ordre, qu'il ne comptait que sur les félicitations des siens. Il ne voulait pas passer pour un incapable, c'était certain, mais ce qu'il voulait plus que tout, c'était retrouver ses terres. Et ça, Valkyria ne l'avait pas encore compris, sinon elle aurait su. Elle aurait su qu'il avait bien plus à gagner qu'elle dans cette histoire. " Bien que nos politesses me soient particulièrement agréables, je crains que vous n'ayez tort quant à ce terrain d'entente. Vous en êtes même très loin pour tout vous dire. " Il se moquait gentiment, son ton était presque un peu railleur. Si il ne voulait pas engager de réelles hostilités dans cette ruelle, il n'en était pas arrivé à la sous-estimer pour autant. Ce qu'elle faisait sans la moindre honte, visiblement. Si rustre il était, il aurait bien aimé la voir aux prises avec son oncle, lui était un vrai rustre quand il s'y mettait et il n'aurait probablement pas essayer de négocier. Elle ne l'aurait même pas vu arriver qu'elle se serait déjà retrouvée dans un avion pour l'Angleterre...

" En fait, si je vous ramenais dans mes valises jusque chez vos parents, je pourrais négocier avec eux. Cacher votre fuite à l'Ordre, l'incapacité de votre famille à vous contrôler, en échange de leur aide dans mes propres affaires. Mon silence, en l'occurrence, ne sert que mes intérêts auprès de l'Ordre, pas mes réels intérêts. Alors, avez-vous quoi que ce soit à négocier pour m'empêcher de vous ramener séance tenante chez vous ? "

« Bien que nos politesses me soient particulièrement agréables, je crains que vous n'ayez tort quant à ce terrain d'entente. Vous en êtes même très loin pour tout vous dire. »
C'est bien ce qu'elle imaginait, même si en l'occurrence, Valkyria aurait largement préféré se tromper.  Laszlo est un Dragon intelligent, déterminé et parfaitement capable d'évoluer aisément entre un trouble et un autre pour mener sa barque à destination ; elle n'a pas eu besoin de le fréquenter très longtemps pour le savoir. La froide assurance dont il est en permanence paré en dit bien plus long sur ses capacités que ses pouvoirs listés par le menu. Alors l'Héritière s'attendait bien à ce qu'il n'ait pas fait l'effort de venir jusqu'ici pour l'avertir d'un arrangement déjà satisfaisant. Le hongrois veut autre chose, et maintenant il lui faut découvrir ce que c'est. « En fait, si je vous ramenais dans mes valises jusque chez vos parents, je pourrais négocier avec eux. Cacher votre fuite à l'Ordre, l'incapacité de votre famille à vous contrôler, en échange de leur aide dans mes propres affaires. Mon silence, en l'occurrence, ne sert que mes intérêts auprès de l'Ordre, pas mes réels intérêts. Alors, avez-vous quoi que ce soit à négocier pour m'empêcher de vous ramener séance tenante chez vous ?
– Vous êtes aussi présomptueux que moi, c'est fascinant, répond-elle, méfiante, sans le quitter de ses yeux perçants et attentifs au moindre signe de menace. Vous devez bien vous douter que je n'ai absolument pas l'intention de me laisser faire. »
Mais un combat serait vraiment risqué, quand bien même l'Héritière n'envisagerait pas vraiment la possibilité d'être vaincue. Affronter Laszlo ici ne serait pas prudent, pas discret, ce serait le meilleur moyen de laisser la situation lui échapper. Sa famille est au courant de sa disparition mais le seul qui la poursuit se tient devant elle ; le défaire enverrait fatalement aux Dragonstone un message de guerre qu'elle ne pourra pas assumer toute seule, et dans laquelle elle s'en voudrait de traîner Raina, qu'elle n'a toujours pas retrouvée, elle. S'il est possible de s'arranger avec le Dragon, ne serait-ce que pour gagner du temps, c'est une option qu'elle ne peut pas ignorer. « Cependant, reprend-elle, je pense que nous avons tous les deux conscience de ce que nous risquerions à nous affronter. Il me paraît plus intelligent de chercher un compromis qui servirait nos intérêts à tous les deux. »
Finalement, elle s'en rend à peine compte, la Dragonne, qu'elle est en train de négocier comme si la situation était symétrique ; comme si elle avait, elle-aussi, un moyen de pression sur son opposant. Mais ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas, et la preuve en est que sa seule monnaie d'échange, c'est elle-même, et ce qu'elle pourrait accomplir s'il le lui demandait simplement pour obtenir sa parole de ne pas révéler sa défection à sa famille, le tout sans la moindre garantie. « Vous savez ce que j'attends de vous : mon seul objectif est de disparaître aux yeux des miens. La question est maintenant de savoir comment vous escomptez vous faire payer ce service ; dites-le-moi et je tâcherai de faire de votre prix le mien. »

La situation n'était pas la meilleure qui fut, pour l'un comme pour l'autre, et c'était uniquement elle qui avait créé ce bordel en ne respectant pas les engagements qu'elle avait pris, que sa famille avait pris. Si ça n'avait tenu qu'à Laszlo, les choses auraient été différentes, probablement. Mais ça ne tenait pas qu'à lui et il était impossible de la laisser filer comme elle l'aurait voulu, pas maintenant qu'il la tenait entre ses griffes. Il soupira en l'écoutant parler, en pesant chaque mot, elle était toujours d'une suffisance sans pareille, comme si ça avait été inscrit dans ses gènes même. Lui, ça le faisait rire doucement, intérieurement, parce qu'ils n'étaient pas si différents l'un de l'autre. La seule exception étant que sa famille n'avait pas été déchue pour une autre. Un menu détail...

" Il me paraît en effet plus raisonnable de faire comme ça, " commença-t-il avec un petit sourire imprimé sur les lèvres. " J'ai bien besoin de quelqu'un pour m'aider, je suis certain que vous serez parfaite pour aller récupérer des promesses d'allégeance à notre Ordre. " Le dragon se détendit, légèrement, parce qu'il semblait qu'il n'aurait pas besoin de se battre aujourd'hui. Il l'avait craint, il avait pensé qu'elle ne se laisserait pas contraindre si facilement et qu'il faudrait en passer par un combat, désagréable et voyant, ne faisant qu'attirer sur eux une attention qu'il n'était vraiment pas nécessaire d'avoir. Fort heureusement, elle était raisonnable. Il se demanda si, en pareilles circonstances, il l'aurait été, raisonnable. Il n'était pas de ce genre-là, surtout pas quand il était plus jeune. Lui se serait sans doute battu, même si il devait perdre. Il sourit, sous son chapeau, toujours drapé d'ombres. " Quoi que je vous fasse faire, de toute façon, personne n'aura besoin de savoir qui vous êtes ni d'où vous venez. Tâchez juste de ne pas... " Un petit rire lâché, railleur. " ...eh bien d'être moins hautaine et british, vous détonez dans le paysage, croyez-moi, " se moqua-t-il d'un autre petit rire.

Le dragon de fumée commença à se tourner, mettant les mains dans les poches, aussi naturellement que si il avait été simplement en train de discuter avec une amie. Mais il s'arrêta avant de lui avoir pleinement tourné le dos. " Attendez que je vous contacte et ne faites pas de bêtise pendant ce temps-là, " souffla-t-il, un sourire aux lèvres en la détaillant encore une fois, pas encore réellement certain de prendre la bonne décision, que ce soit pour lui ou pour l'Ordre.

Faire de votre prix le mien. C'est un engagement dangereux que celui-ci, et Valkyria le sait parfaitement ; c'est pour cette raison qu'en dépit de sa fausse assurance, elle reste indubitablement sur ses gardes - quand bien même son interlocuteur n'aurait aucune raison de lui sauter à la gorge alors qu'elle est en train de plier à ses exigences. Ça ne lui plaît pas, bien sûr, mais il s'agit là d'une mesure de prudence hélas indispensable. Combattre maintenant serait suicidaire, non seulement à cause de l'attention qu'ils s'attireraient, mais aussi à cause de l'expérience de son potentiel adversaire. Il est beaucoup plus vieux, et elle ne connaît pas suffisamment bien ses pouvoirs pour être certaine de sa propre victoire. Tant pis, elle se rebiffera plus tard ; peut-être même qu'elle parviendra à disparaître d'ici-là, et correctement cette fois. Faire semblant de ployer le genou maintenant lui permettra de se relever et de le dominer plus tard ; en tout cas, c'est ce qu'elle se dit pour éviter de réaliser à quel point sa situation est désespérée. « Il me paraît en effet plus raisonnable de faire comme ça, répond le Dragon avec un insupportable petit sourire satisfait - c'est sa spécialité à elle, d'habitude. J'ai bien besoin de quelqu'un pour m'aider, je suis certain que vous serez parfaite pour aller récupérer des promesses d'allégeance à notre Ordre. »
Ah, travailler pour Cain de façon indirecte à défaut d'être obligée de les rejoindre officiellement, mais quel délicieux compromis. Il en est hors de question, mais elle se garde bien de le dire, silencieuse et figée face au hongrois qui semble asseoir sa domination sur l'échange par son attitude plus que désinvolte. Il est inquiétant, à être si sûr de lui même face à elle ; ce n'est pas une situation confortable du tout. « Quoi que je vous fasse faire, de toute façon, personne n'aura besoin de savoir qui vous êtes ni d'où vous venez. Tâchez juste de ne pas... »
De ne pas quoi ? se demande-t-elle durant le petit silence suspendu de sa phrase - il sait soigner ses effets, celui-là. Que veut-il dire, alors ? De ne pas essayer de se défiler à nouveau, de ne pas commettre la bêtise de le défier ou de chercher à retourner cette situation dans laquelle il a pris l'avantage ? Quelle sera sa prochaine menace, alors ? « ...eh bien d'être moins hautaine et british, vous détonez dans le paysage, croyez-moi. »
Ah. Elle ne s'attendait pas à ça, mais force est de constater que dans sa position, elle préfère encore être moquée que menacée une fois de plus. Il est certain qu'un personnage comme elle ne peut que faire son petit effet, comparé à la grossièreté des gens d'ici. Il n'y a qu'à voir ce style chapeau-cigarette-air-mystérieux qui ne lui irait pas du tout, à elle, mais la dignité ne se définit pas de la même façon d'une personne à l'autre. Qui est-elle pour le juger ?
Un rictus condescendant répond à la remarque de Laszlo et Valkyria se satisfait de le voir enfin tourner les talons ; elle n'est pas loin de soupirer de soulagement. Un heureux réflexe de sa fierté l'en empêche, et ce n'est pas plus mal puisque visiblement, le hongrois n'en a pas terminé ; elle croise furtivement l'éclat de son regard moqueur dans l'ombre de son chapeau, et attend la remarque suivante : « Attendez que je vous contacte et ne faites pas de bêtise pendant ce temps-là. »
Ah ! Encore faudrait-il qu'elle connaisse sa définition de ce terme, puisque visiblement ils n'emploient pas les mêmes mots pour dire les mêmes choses, tous les deux, mais peu importe. Son interlocuteur disparaît finalement au bout de la ruelle, et c'est dans un soupir plus excédé que jamais qu'elle laisse finalement ses épaules s'appuyer sur le mur derrière-elle. Le bilan de cette entrevue, c'est qu'elle a dépensé une fortune pour des papiers d'identité qu'elle n'aura jamais, et qu'elle a un problème de plus sur le dos.
Au moment précis où l'Héritière essaie de se demander comment ça pourrait être pire, il commence salement à pleuvoir, et elle songe sérieusement à trouver un portail pour le fin fond du Groenland.