Un baiser pour la nouvelle année | Laslana

 
Cela faisait déjà plusieurs jours que je me préparais à cette soirée. Je m’y préparais tellement que dès que la date avait été défini, j’avais cherché le plus rapidement possible une chambre d’hôtel, pour pouvoir me préparer tranquillement en arrivant à la Nouvelle-Orléans. J’avais opté pour le Vieux-Carré sans la moindre hésitation. Mais une fois ce détail réglé, voilà que je me retrouvais à choisir une tenue, comme le ferait une adolescente pour un premier rendez-vous. Il y aurait de quoi se trouver ridicule honnêtement. Justement parce que je ne suis plus une toute jeune fille. Et que je souris bêtement en pensant à ce moment qui approche, que je trépigne d’impatience, que j’aurai pu clairement envisager de m’y rendre au moins un jour plus tôt. Mais je n’en fis évidemment rien. J’avais aussi une petite pointe d’angoisse parce qu’il y avait bien longtemps que je n’avais pas ressenti ce genre de choses. La petite pointe d’excitation lorsque son nom s’affiche sur l’écran de mon téléphone, la frustration quand il semble décidé à me faire languir. Cette petite sensation de défi quand je tente de le faire languir mais que je n’y arrive qu’à grand peine. Ce sourire niais qui s’affiche sur mon visage lorsque je me retrouve à aller relire nos échanges, nos petites boutades et surtout, cette photo alors que je venais de le réveiller. Je ne me souviens pas d’avoir ressenti ce genre de chose depuis Ethan. Même si c’est un peu douloureux de penser à lui, je me dis qu’il est peut-être temps d’avancer. Pas forcément de refaire ma vie mais pourquoi pas, de sortir avec quelqu’un. Il n’aurait pas voulu que je vive dans le passé.

Mon premier souci avait donc été de trouvé une tenue adéquate. Evidemment j’ai quelques tenues pour sortir. Mais elles sont dans mon placard depuis si longtemps que je ne saurais même pas dire depuis quand elles y sont justement. Alors, j’avais osé ressortir toutes mes robes. Toutes sauf une évidemment. Ma robe blanche restera sans le moindre doute dans sa housse jusqu’à la fin de temps ! Je reporte mon attention sur toutes les autres, étalées sur mon lit. Et voilà que je me retrouve à toutes les essayer pour trouver la bonne, celle dans laquelle je me sens la plus à l’aise. Il faut dire que je n’ai pas particulièrement l’occasion de porter des robes. Au moins, je vais pouvoir en ressortir au moins une. Et c’est une petite robe noire toute simple, dévoilant légèrement mon dos, qui est donc choisi pour être portée pour le nouvel an. Pour le reste, je verrai sans doute le jour même. Du moins, il fallait que je retrouve une paire de chaussures correcte à porter avec cette robe. Il était temps de me percher à nouveau sur des talons hauts, visiblement ! Par chance, il en restait une paire en parfait état. Les choses s’étaient tout de même un peu corsées... La veille du rendez-vous. Parce que aussi étrange que cela puisse sembler, la météo avait changé du tout au tout à la Nouvelle-Orléans, le genre de climat qu’ils n’ont pas en règle générale. J’ajoutais alors une veste un peu plus chaude à mes affaires. Hors de question de me les geler, j’aurai déjà bien assez froid à en arrivant si ce temps se maintenait !

Le lendemain, je me rendis sur le toit avec mon sac. Bon sang, c’est toujours aussi désagréable de devoir enlever ce qu’on porte pour ne pas devoir racheter des vêtements tous les jours ! Il ne me fallut pas bien longtemps pour prendre ma forme de Zouwu et me rendre à la Nouvelle-Orléans. Une fois arrivée, j’enfilais rapidement quelque chose parce que tout de même, ça picote un peu. Il ne me fallut pas bien longtemps pour arriver à mon hôtel. Une petite part de moi se demandait tout de même si j’allais vraiment y revenir. Au pire, je l’avais jusqu’au deux janvier donc j’étais plutôt tranquille. Une fois la clé de la chambre récupérée, je constatais qu’il ne me restait qu’une heure pour me préparer... ça allait faire court ! Je me dépêchais donc de me changer, de mettre un peu d’ordre dans mes cheveux et de m’arranger avec un peu de maquillage. Mais finalement, j’étais dans les temps. J’enfilais finalement mes escarpins (foncé brillant et me permettant surtout de gagner 11cm, non négligeable), en espérant ne pas me retrouver à glisser à cause du mauvais temps... Courir serait à proscrire. Une fois prête, j’enfilais mon long manteau gris, mes gants en cuir et une écharpe bordeaux avant d’attraper mon sac à main. Il ne faudrait pas que j’arrive en retard pour le coup !

En approchant du restaurant où Laszlo m’avait donné rendez-vous, je vérifiais rapidement mon téléphone, au cas où il aurait commencé à s’inquiéter. J’étais même tentée de le prévenir que j’arrivais. Mais je n’étais plus très loin déjà. Il était facilement reconnaissable, même si cette fois il portait un chapeau. Un sourire se dessina alors sur mes lippes et je sentis à nouveau cette impatience au creux de mon ventre. Il n’était plus qu’à quelques pas de moi et pourtant, voilà que je ralentissais légèrement le pas, ne sachant pas ce qu’il convenait de faire suite à nos récents échanges. J’optais pour laisser un soupçon de distance. J’admets, je suis un peu gênée tout de même. Je ne voudrais pas forcer les choses après tout. Pourtant, je glissais tout de même une petite plaisanterie en approchant du dragon. “Il n’y a pas si longtemps, tu te moquais de la météo chez moi. C’est le karma ça, Monsieur !” Bon d’accord, il pleut beaucoup plus souvent chez moi qu’ici... Mais tout de même ! Bon d’accord, c’est le genre de chose qui donne tout de même un petit air de fête. Je retrouvais quand même mon sérieux. “J’espère que tu n’es pas là depuis trop longtemps, ce serait dommage que tu prennes froid.” Frissonnant à un petit courant d’air, je resserrais mon manteau contre moi. “Je te suis ? Tu es sans le moindre doute plus familier des lieux que moi.”

Elle marche dans le froid. Elle avance sans se rendre compte de ce qu’elle dégage. Elle n’a pas conscience de ce charme qui émane de sa personne, pas conscience de ce qui peut se cacher sous les vêtements neutres qu’elle porte sur son lieu de travail. Elle ignore tout de cette aura qui se forme autour d’elle, pour peu qu’elle mette en valeur ce qui est déjà une évidence. Elle ne remarque pas ce que les regards lui hurlent pourtant, ce que les mots ne peuvent dire avec suffisamment de force... Et surtout, elle n’a pas conscience de l’effet qu’elle a sur lui, juste du magnétisme qu’il exerce sur elle.
Marcher dans la neige avec des talons hauts, ce n’est pas forcément une partie de plaisir. Parce qu’on s’enfonce dans la poudreuse, parce qu’elle s’insinue doucement quand on ne fait pas attention et que le pied s’enfonce de trop. Pourtant, je pense que je ne m’en tire pas trop mal. Pas la moindre glissade, rien. Pourtant, je n’ai pas marché avec ce genre de chaussures depuis un bon moment. J’arrive tout de même sans encombre devant le restaurant. Effectivement, cette devanture rouge est immanquable. Mais ce que j’apprécie le plus, au-delà du lieu, c’est de retrouver Laszlo. Je ne le lui dirais pas clairement. Parce que finalement, nos messages échangés ressemblent presque à un jeu du chat et de la souris. Parce que c’était presque à celui qui craquerait le premier, parce que le ton est souvent à la plaisanterie avec des petites boutades lancées sur notre condition, sur la météo, sur le simple fait de faire languir l’autre. Et finalement, c’est comme ça que je le salue : en lui lançant une petite plaisanterie sur la météo.

Je me retrouve à rire légèrement face à sa réaction. J’aurai pu lui dire que j’étais partie sous une météo plus clémente mais m’aurait-il cru ou aurait-il rétorqué par une autre plaisanterie ? Au lieu de ça, je me retrouve avec un sourire sur les lèvres. “Je veux bien l'admettre. La neige rend toujours la fin d’année un peu plus magique.” Comme si tout était possible. Lorsque le monde revêt son manteau blanc pour mieux renaitre et parfois, apporter son lot de surprise. Est-ce que cette nouvelle année allait m’apporter son lot de bonnes surprises cette fois ? C’est sur ces pensées que je passais mon bras sous celui que m’offrait le dragon. Voilà qui allait sans le moindre doute éviter que je risque une superbe chute à cause d’une potentielle plaque de verglas. Je lâchais tout de même un petit soupir en roulant des yeux en prenant sur lui la faute pour le cas où il aurait froid. Les hommes et leur ego.  Bon par contre, je ne vais pas râler contre cette galanterie dont il fait preuve. J’ai beau refuser d’être vu comme une femme qui montre pour le plaisir des yeux sans plus sans préoccuper ensuite, cette fois je le vois plutôt pour une preuve de considération, comme de la galanterie toute simple. Et je dois reconnaitre que c’est une sensation plutôt agréable. A l’intérieur, il fait bon. Le lieu est agréable et a même un certain charme qui n’a rien à envier à certains restaurants de Seattle ou même de New-York. On sent tout de même que c’est le réveillon, l’endroit est animé. Vivant.

Je retiens un sourire en constatant à quelle table nous sommes installés. J’ignore si c’est une demande du Kovacs ou si c’est le hasard qui a fait que nous soyons à cette table. Et peu importe finalement. La neige rendait la cour arrière encore plus féérique qu’elle ne devait l’être habituellement. A croire que toutes les conditions étaient réunies pour que cette soirée soit aussi spéciale qu’il ait pu me le promettre. J’enlevais mes gants, mon manteau et mon écharpe avant de m’installer. Je haussais les épaules face à son questionnement à demi camouflé. “Je ne suis pas difficile. Je mange de tout donc ça ne devrait pas poser de problème !” C’est plutôt quand il s’agit de boire un verre que je peux devenir beaucoup plus difficile ! Quand je m’octroie une petite sortie dans un bar, j’ai toujours ma préférence. Un restaurant avec des amis qui veulent commander une bouteille de vin ? Blanc doux ou rien pour moi ! Et oui, ce détail a parfois le don de les exaspérer. Je reportais tout de même mon attention sur la carte... Que je ne comprenais pas le moins du monde. A la réaction de Laszlo, je commençais à me mordiller la lèvre inférieure, retenant mon petit ricanement. Ça avait un petit quelque chose d’attendrissant, cette manière qu’il a de s’excuser. Avec un sourire qui ne me quittait plus vraiment, je reposais la carte sur la table avant de plonger mon regard dans le sien. “Comme je n’ai dit, je ne suis pas difficile. Alors je te fais confiance pour me faire découvrir. Surprends-moi !” C’était presque avec un petit ton de défi que j’avais achevé ma phrase. Mais j’étais curieuse de voir ce qu’il proposerait dans ce genre de cas.

Je me moque bien du fait de ne pas comprendre la carte. Parce que finalement, ce n’est pas ça qui compte. Ce qui compte c’est d’y être avec lui. Et quitte à choisir, je préfère qu’il puisse me faire découvrir un endroit qui lui tiendrait à cœur plutôt qu’un restaurant qu’il aurait choisi sur un coup de tête. Et puis... Ce n’est qu’une carte après tout. J’aurais pu questionner la serveuse, j’aurai pu choisir eu hasard et avoir la surprise... Il y avait tellement de possibilités ! Mais le lieu était unique. Il avait un quelque chose de chaleureux et d’atypique qui me plaisait beaucoup. Je préférais d’ailleurs ça a certains établissements un peu trop huppés. Honnêtement, j’aurai été du genre à proposer une soirée tranquille à manger des pizzas ! Et je m’en serais même très bien contentée au passage. C’est étrange de se dire que finalement, c’était lui et uniquement lui qui comptait. Alors que je ne connaissais pas grand-chose de lui et inversement. Allez savoir pourquoi. Mais je le sens jusque dans mes os. Je ne voudrais échanger ce moment pour rien au monde. Je me retrouve pourtant à rire doucement en le voyant ainsi gêné. “Pas très malin ? Au contraire, si tu n’avais pas dis que c’était un oubli, j’aurai trouvé ça très intelligent de ta part. C’est un bon moyen d’arriver à notre situation actuelle !” Dans tous les cas, je lui aurais sans doute fait confiance pour choisir les plats. Parce que connaitre l’alliance des saveurs n’est pas chose aisée en général et si j’étais un peu plus difficile, j’aurai très bien pu ne pas aimer certaines associations. Alors autant se fier à quelqu’un qui les connait déjà.

Je secouais doucement la tête en roulant des yeux face à sa réaction. Même si... Je dois bien admettre que je comprenais Laszlo. Il suffit de voir depuis combien de temps le me prépare à cette soirée pour se rendre compte que dans le fond, moi aussi j’avais eu la pression. Je me garderais pourtant bien de le lui dire. “Tu n’as pas besoin de te mettre la pression avec moi tu sais ? Surtout que quand tu as parlé de cajun, j’ai fais quelques petites recherches. Si je pensais ne pas aimer, je te l’aurais dis tout de suite !” J’aurai voulu ravaler mes mots. Nerveuse, je commençais à me mordiller la lèvre inférieure. Sans vraiment y faire attention, je venais de dévoiler qu’il y avait eu un minimum de préparation en amont de mon côté. Par chance, la serveuse arriva rapidement, me tirant de mon embarras. Je n’ai plus l’habitude de ce genre de chose. Il faut dire que je pensais ne jamais revivre ce genre de chose. Et même si ce ne sont que les prémices et que je ne peux pas savoir d’avance où tout cela va nous mener, je retrouve quand même de l’espoir. Mais se retrouver à jouer la séduction alors que cela fait presque quinze ans (bon, à peu de chose près !) c’est un peu déroutant. J’ai l’impression d’être rouillée, de dire n’importe quoi. Et pire que tout, j’ai peur de me ridiculiser face au dragon ! Et si après cette soirée, il se rendait compte que finalement on n’a rien en commun et qu’on ferait mieux de tout simplement s’éloigner peu à peu jusqu’à s’oublier ? Non, il fallait que j’oublie ce genre de chose !

Nos boissons ne tardèrent pas à arriver et je me retrouvais avec un petit sourire amusé en constatant qu’en terme de vin, nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes. Mais comme on dit, les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Il faudra juste que je ne boive pas trop, sinon qui sait ce qui pourrait m’arriver en étant perchée sur mes talons hauts. Je penchais légèrement la tête sur le côté à la question du Kovacs. Il avait même retenu ce détail ? Je passe une main dans mes cheveux, les ramenant en arrière avant de lui répondre. “C’est plutôt une connaissance qui a eu une importance capitale dans ma vie.” Non, je ne peux pas le laisser avec cette simple réponse ! Croisant les jambes, je reprends alors mon récit. “Il y a sept ans, elle m’a... littéralement sauvé la vie. Il faut dire que j’ai refusé de laisser les miens en restant en arrière. Peut-être que j’aurai dû les écouter mais évidemment, je ne l’ai pas fait parce que rester bien tranquille pendant que tout le monde défend ce qui lui est cher, ça ne me ressemble pas du tout. Mais j’ai eu la chance de croiser cette sorcière et aujourd’hui, je suis toujours de ce monde.” Même si l’histoire était positive à ce niveau, cela me rappelait tout ce que j’avais perdu. Un père. Un mari. Un enfant. Je secoue doucement la tête pour chasser ces sombres souvenirs. Aujourd’hui n’est pas fait pour pleurer les morts, il est fait pour espérer un renouveau. Alors autant en profiter pour connaitre un peu mieux le dragon qui le fait face. J’affiche alors à nouveau un sourire. “Mes souvenirs ne sont pas les plus intéressants, désolée.” Il fallait que je change de sujet et vite. “Mais toi, qu’est ce qui t’as amené à la Nouvelle-Orléans ? Ton nom n’a pas grand-chose d’américain ni même de consonnance française comme on peut en trouver par ici.” Un sujet plus léger serait sans le moindre doute plus approprié.

Si j’avais été extérieur à la situation, j’aurais sans doute gentiment ris de nous et de notre gaucherie. L’âge n’aidant sans doute pas, il semblerait que la situation nous soit un peu gênante, tant pour l’un que pour l’autre. Mais il se trouve que je suis dans cette situation et que j’ai accepté de m’y fourrée toute seule en acceptant cette invitation. Il faut dire que ce n’est pas anodin de passer le réveillon du nouvel an avec quelqu’un qu’on pourrait quasiment considérer comme un inconnu. Et pourtant, j’avais choisi d’accepter. Parce que je voulais apprendre à le connaitre. Parce qu’une sorte de confiance étrange avait commencé à s’installer entre nous à Phoenix, dès que chacun avait assumé ce qu’il était face à l’autre. Parce que Laszlo m’avait dit sans détour être un dragon, parce que j’avais admis sans crainte réelle être une zouwu. Même si je dois reconnaitre que je me sens un peu vieille pour le coup et que j’ai clairement l’impression d’avoir passée l’âge pour ce genre de chose. C’est peut-être encore plus fort parce que, d’une certaine manière, j’ai déjà fait ma vie. J’ai vécu le mariage, l’achat d’un appartement en commun, la grossesse... Finalement, il ne manquerait plus que l’expérience de la maternité et à moins d’adopter Sören qui est déjà adulte, il faudrait que je m’y mette rapidement avant de ne plus en être capable. Sauf qu’un enfant ne me semble pas particulièrement compatible avec mon mode de vie. Elever un enfant en menant une rébellion me semble plutôt incompatible. En plus de l’idée de devoir cacher ce genre d’occupation à celui qui aurait le courage de me supporter au quotidien. Vive le célibat !

Pourtant, ma façon de m’impliquer avant ce restaurant prouve bien qu’il y a quelque chose derrière. Certes, le dragon semble avoir également fait un effort, avec son costume anthracite. Mais j’aurai peut-être pu faire... Un peu moins ? Surtout passer moins de temps à chercher une tenue alors que j’aurai pu prendre la première qui passait en fait. Mais non, j’avais mis un soin tout particulier à me préparer. Peut-être parce que je veux me montrer sous mon meilleur jour. Enfin après tout, c’est lui qui a proposé de se revoir dans ces conditions alors que je l’ai percuté. Donc est-ce que ça veut dire que... Je l’intéresse au moins un peu ? Bon sang il faut vraiment que j’arrête de cogiter là-dessus ! Et puis j’ai bien le droit de profiter un peu, après tout. Je rougis pourtant légèrement en ayant dit, de manière détournée que je me suis sans doute impliquée un peu plus que de raison. Pourquoi ? Parce que le Kovacs se retrouve à sourire. Et voilà que je me retrouve avec des papillons dans le ventre, pire qu’une ado ! Comment résister à pareil sourire ? Mais arrive un sujet un peu moins sympathique, celui de la guerre. Je vois bien à sa réaction que ce sujet semble le toucher. Est-il dans le même cas que moi, à avoir perdu bien plus qu’on ne pourrait je penser ? Ce ne serait pas étonnant. Il y avait eu tellement de dégâts... On avait tous perdu quelque chose d’une certaine manière... Il était évident qu’il valait mieux changer de sujet et totalement l’éviter ce soir. Nous n’étions pas là pour pleurer les morts.

Je me retrouvais donc à le questionner sur lui, d’une certaine manière. Je ne vois pas pourquoi on ne devrait parler que de moi dans tous les cas ! Face à la réaction de Laszlo, cette petite hésitation, je me calais contre le dossier de ma chaise avant de prendre une gorgée de vin en le regardant. Je dû tout de même me retenir de rouler des yeux face à sa petite moquerie... Mais je plissais légèrement les yeux, l’air faussement vexée. Mon cœur se morcela pourtant quand il m’avoua avoir perdu sa famille en étant jeune. Je n’osais imaginer ce que ça pouvait être. Parce que j’ai toujours été très attachée à ma famille et que même si je n’étais plus une enfant quand je les ai perdus, cela a été difficile. Je n’entendis qu’à moitié la suite parce qu’une part de moi me hurlait que ce sourire n’était peut-être qu’une façade. Tout comme le fait de s’installer dans un endroit qui respire la fête et la joie. Il est tellement facile de se noyer quand on perd des êtres chers... Avec compassion je posais doucement ma main sur celle du hongrois. “Je suis désolée... Je sais ce que ça fait, même si je n’étais sans doute pas aussi jeune que toi...” En voyant la serveuse arrivée, je retirais pourtant ma main, un peu gênée. Ça ne se voulait pas avec une idée derrière la tête, pourtant c’est un contact un peu particulier. Qui m’a légèrement électrisé, allez savoir pourquoi. Je me raclais alors légèrement la gorge. "Et donc hm... Tu viens souvent ici ?” Je me serais mise des gifles, tant ma question était idiote. Vite, reprendre une gorgée de vin ! Je ne me souviens pas d’avoir été aussi gênée de toute ma vie.

Ce n’est pas anodin de parler de sa famille. Encore moins dans des cas comme les notre visiblement. Ça aurait pu être drôle d’avoir ce point commun si ce genre de situation n’était pas si tragique. Enfin je ne sais pas quand il a perdu sa famille puisque Laszlo est du genre à sous-entendre qu’il est vieux. Pourtant, je suis bien certaine que notre différence d’âge n’est pas si importante. Et en prime, ce n’est qu’un chiffre, ce n’est pas comme si cela avait une importance vitale. Même si j’avoue que je suis tout de même curieuse. Je vais finir par découvrir qu’il est un dragon beaucoup plus vieux que moi, il va finir par me dire qu’il a le double de mon âge si ça continue ! Ça me ferait sans doute bien rire puisque, évidemment, je refuserais totalement de le croire. A moins de rester en dragon dans sa grotte, je doute qu’il ait un avantage comme le mien. D’autant plus en vivant par ici, en ayant une boutique à gérer... Non, il est sans doute entre quarante et cinquante ans puisqu’il m’a déjà dit avoir dépasser la quarantaine. Mais pourquoi je me questionne sur son âge moi ? Peut-être parce que je suis un peu curieuse à ce sujet et que je l’ai quand même un peu charrié dessus. Enfin charrié est un bien grand mot, ce n’est pas comme si je l’avais appelé l’ancêtre ou quelque chose du genre après tout. Toujours est-il que ce n’est jamais plaisant de savoir que quelqu’un a perdu sa famille. La compassion me semblait être la moindre des choses alors qu’il avait fait le choix de m’en parler de lui-même.

Les plats arrivants eurent tout de même le don de rompre ce contact entre le dragon et moi. Peut-être parce que je n’aime pas forcément m’afficher de la sorte devant des inconnus ou tout simplement parce que je ne sais pas encore vers quel genre de relation on se retrouve à se diriger. Si ça se trouve, ça va juste se finir en amitié après tout ! Je reportais alors mon attention sur le repas et le restaurant, l’odeur des plats étant plus qu’alléchante. Je haussais un sourcil à la petite plaisanterie du hongrois. Franchement, qu’est-ce qu’il n’a pas pour lui ? Il est dans la fleur de l’âge et une musculature à en émoustiller les adolescentes ! Oh non... Lana, ranges tout de suite ton imagination ! Je fis mine de reporter mon attention sur le contenu de mon assiette avant de laisser mon imagination divaguer... Sauf que le Kovacs proposait de trinquer. Et ne pas le faire aurait paru suspect... Sauf que j’avais eu une seule petite pensée et maintenant, j’étais foutue. En même temps, ce n’est pas ma faute, c’est lui qui a parlé de sa ligne ! Et c’est mon esprit qui a commencé à divaguer... Vite, quelque chose ! “Si tu trouves que c’est mauvais pour ta ligne, je crois que je vais devoir craindre pour la mienne alors !” Au secours, j’ai l’impression de devenir idiote... Je suis officiellement un cas désespéré, en plus de ne plus vraiment être capable de le regarder dans les yeux à cause de ce que j’ai imaginé... Pas si rouillée que ça en imagination, la vieille !

Pour ma propre santé mentale, je reporte mon attention sur le plat que Laszlo a commandé pour moi. J’avoue que... C’est vrai délice. Pour une première expérience, elle n’est pas décevante. Il commence à marquer des points sur le plan de la soirée incroyable ! Même si j’avoue que ma gourmandise – et un peu ma curiosité quand même - me font légèrement lorgner sur l’assiette du dragon. Non Lana, ne le regarde pas dans les yeux ! Je me connais, si je fais ça je risque à nouveau d’avoir des pensées... Etranges dirons-nous. J’opte plutôt pour la gorgée de vin. Oui voilà, c’est sans doute une meilleure idée ! Quoique...

Je n’avais pas forcément l’habitude de ce genre d’ambiance. Même quand je sors avec des amis, il y a forcément des choses qu’ils ne se permettent pas de dire pour ne pas risquer de me blesser. Parce qu’ils savent ce que j’ai pu perdre. Ils savent que je suis devenue veuve jeune parce que plusieurs ont déjà vu des photos sur lesquelles je me trouve avec Ethan. Il y en a en revanche très peu qui savent que j’ai failli être mère. Il arrive parfois qu’on me demande pourquoi je n’ai pas cherché à refaire ma vie, à devenir mère. Et dans ces cas-là, je souris légèrement en haussant les épaules pendant que mon cœur se serre dans ma poitrine. Parce que je ne peux pas leur dire à quel point c’est horrible de perdre un enfant qu’on ne connait même pas. Parce que je ne peux pas raconter à quel point cela a pu faire des dégâts. Alors, je souris et me tais pour ne pas finir en hurlant et pleurant toutes les larmes de mon corps. En étant avec mes amis, l’ambiance est souvent un peu plus lourde parce qu’ils sont pleins de compassion pour moi. Mais avec Laszlo, c’est différent. Sans doute parce que justement, il ne connait pas ce passé que je traine derrière moi. Peut-être aussi parce qu’il n’a pas l’air d’être le genre à cacher une femme de son passé et un enfant quelque part. Et puisque je sais déjà qu’il a plus de quarante ans, il pourrait me poser des questions sur ce point me concernant. Mais il ne le fait pas et je lui en suis infiniment reconnaissante.

Mais nous voilà, tranquillement installé dans un charmant restaurant à partager un dîner pour célébrer la fin d’une année et le début d’une nouvelle. Bon j’avoue, je suis beaucoup plus intéressée par lui que par le contenu de mon assiette. Parce que je ne suis pas aveugle et que je remarque bien qu’il a fait un effort vestimentaire ce soir, du moins en comparaison de la fois où je l’ai rencontré à Phoenix. Et a capter discrètement certain de ses regards, j’ai comme l’impression que j’ai taper juste avec ma petite robe noire. J’aurais pu porter n’importe quelle autre couleur évidemment. Mais à quoi bon ? J’aimais le côté sobre de cette robe, attirant le regard avec subtilité sans pour autant hurler que je suis là et que j’existe. De toute façon, il n’y a qu’un seul regard que je voulais capter ce soir. Un seul regard qui me faisait frémir depuis bien des années. Mais le silence s’installait et je ne voyais pas comment le briser. Le dragon s’en chargea pour moi. J’avoue que j’aurai été incapable de prononcé le moindre mot sans cela, mon regard irrésistiblement happé par le sien. Je penchais pourtant légèrement la tête sur le côté lorsqu’il s’excusa. Je ne comprenais pas trop pourquoi sur le coup. Il n’avait rien fait de mal à ce que je sache. Mais la réponse ne tarda pas trop à arriver, me faisant même rire légèrement au passage. C’était donc ça, ce qui l’inquiétait ? “D’une, tu n’es pas vieux. Je ne pense pas être forcément beaucoup plus jeune que toi et personnellement, je ne me considère pas encore comme vieille. Et ensuite... Tu ne m’as pas l’air particulièrement bougon. Ou alors ce ne serait qu’avec moi ?”

Gardant mon regard dans le sien, comme un petit air de défi, je repris une gorgée de vin. Allait-il me contredire en me disant qu’il est juste un vieux dragon solitaire et particulièrement bougon ? Je haussais alors légèrement les épaules après avoir reposé mon verre. “Et si tu es réellement un vieux bougon, dans ce cas on peut me considérer comme une vieille zouwu aigrie. Le genre de vieille folle qui adopte des chats et leur parle du matin au soir !” Je ne serais même pas surprise de finir comme une vieille folle aux chats franchement ! Ce serait tout moi. J’avisais d’un coup d’oeil l’endroit où se trouvait la main du Kovacs. L’air de rien, j’approchais la mienne, lentement... Et sans pour autant le toucher franchement. Mais finalement, je laissais mes doigts frôler les siens. Ce simple contact m’arracha un léger frisson, petite décharge courant le long de ma colonne vertébrale. Je plantais à nouveau mon regard dans le sien. J’admets, je dois avoir l’air d’une adolescente. Je m’en moque. Je me retrouve à nouveau à le défier, lui demandant presque silencieusement s’il veut plus que ce simple contact léger.

Je faisais de mon mieux pour faire passer le message. Mais avec quelqu’un qui passe son temps à se qualifier de vieux, ce n’est pas toujours évident. Et au-delà du fait que ce ne soit pas mon genre de dire à quelqu’un qu’il pourrait me plaire et qu’on pourrait tenter quelque chose, je ne sais même pas moi-même ce que je ressens vraiment ! Même avec Ethan je n’avais pas dit les choses clairement. On est loin de l’image qu’on pourrait avoir d’une rebelle. Mais quand il s’agit de relations, c’est différent. Je n’ose pas dire les choses, je reste très souvent sur la défensive. Et surtout, j’ai peur de souffrir à nouveau. Parce que ce n’est pas facile de remonter la pente quand on perd autant. C’est sans doute pour ça que je n’avais rien tentée avec qui que ce soit depuis la fin de la guerre. Comme une peur de m’engager, parce que je voyais ça comme un risque d’une certaine manière. Pourtant, à me retrouver ici avec Laszlo, je me demandais pourquoi je n’avais pas essayé de faire des rencontres plus tôt. Parce que finalement, mon travail et la rébellion ne sont que des prétextes, des excuses bidons que j’ai trouvé jusque-là pour me justifier à moi-même que je ne pouvais pas refaire ma vie. Parce que j’étais trop occupée, parce que la rébellion que je menais depuis quelques mois déjà pouvait être une source de danger. J’avais peut-être utilisé ces prétextes pendant assez longtemps. Et puis un diner, ça n’engage pas pour la vie après tout. Je pouvais bien prendre le risque de voir où tout cela pouvait nous mener.

Je me retrouvais presque avec un petit sourire de victoire quand le dragon se retrouva à admettre qu’il était possible qu’il soit moins bougon quand je suis dans les parages. C’était clairement une sorte de privilège à mes yeux, surtout s’il est aussi grincheux qu’il veut bien me le faire croire. C’est même lui qui détourna le regard en premier. J’étais donc intimidante à lui lancer mon regard de défi ? Allez savoir ! Mais cette idée m’amusait un peu quand même. Enfin c’est finalement moi qui me retrouvais un peu gênée. J’avais voulu jouer et j’avais perdu cette petite bataille. Alors comme ça, je n’ai pas l’air si solitaire que ça pour lui ? Et a son petit rire, je sentis la chaleur envahir légèrement mes joues, me faisant détourner le regard en prenant une gorgée de vin. Bon sang, si je continuais comme ça j’allais devoir en demander un second verre. Ce serait sans doute une mauvaise idée. Certes, je ne comptais pas retourner à Seattle dès la fin de la soirée. Mais j’aimais autant garder les idées claires. Il ne manquerait plus que je me mette à raconter n’importe quoi ou que je ne me souvienne pas de la soirée ! Evidemment, ce ne sont pas deux verres de vin qui suffiront à me faire rouler sous la table, il en faudrait bien plus. Mais ce n’est pas une raison pour entamer la soirée de cette manière.

Et finalement, voilà que je me retrouvais à tenter une approche digne d’une adolescente de film à l’eau de rose. Et je me perdais dans son regard, incertaine, à me demander s’il allait faire machine arrière ou non. Je ne m’étais même pas rendue compte que, l’espace d’un instant, j’avais tout simplement arrêté de respirer. Mais lorsque ses doigts vinrent s’entremêler doucement avec les miens, l’air arriva à nouveau dans mes poumons. Mon cœur manqua un battement et je me retrouvais à baisser le regard, tentant vainement de cacher le sourire niais qui venait de prendre place sur mes lèvres. Je relevais pourtant le regard en entendant la phrase du Kovacs. “Et je ne regrette pas d’avoir accepté l’invitation.” Comment regretter ce genre de chose ? Il y avait bien longtemps que je n’avais pas ressenti tout ce que je pouvais ressentir en ce moment. Et c’était follement agréable. J’avais l’impression de rajeunir de quinze ans, ce qui n’est tout de même pas rien. Mais je n’en oubliais pas pour autant ce qu’il m’avait répondu un peu plus tôt. “¨Puisqu’il semble que tu sois moins ronchon quand je suis là... Qui connait le vrai Laszlo Kovacs dans ce cas ?” Je me retrouvais à lui renvoyer un petit sourire malicieux. Après tout, il est peut-être vraiment un grincheux de première ! Non pas que ce soit quelque chose qui me dérange ou me choque, je suis juste un peu curieuse.

Etant donné le sourire qu’arborait Laszlo, je crois bien qu’on peut dire que lui aussi appréciait ce contact. Et pourtant, j’en étais à ne pas oser lui dire que j’apprécie de passer du temps avec lui, que je serais bien capable de ne pas dormir le soir juste pour voir son prochain message. Je n’ose pas lui dire qu’il est capable de me tenir éveillée, capable de me faire avoir un sourire niais lorsque je vois son nom s’afficher sur l’écran de mon téléphone. Et que comme n’importe quelle ado un peu fraudeuse, je me retrouve à surveiller l’écran même quand je ne devrais pas parce que je suis sur mon lieu de travail et que j’ai, évidemment, bien d’autres choses à penser. C’est un peu paradoxal quandf on sait qu’à côté de ça, j’ai la charge de deux jeunes zouwus qui ont décidé de me suivre dans une entreprise quelque peu ambitieuse pour redorer le blason de notre espèce. On est loin de la zouwu fière de ses origines, qui veille sur deux jeunes tout en menant ses petites actions pour faire comprendre que non, les zouwus ne sont pas passifs. Parce que je n’aime pas cette image de passivité qu’on nous donne, parce que comme beaucoup je me suis retrouvée à me battre pendant cette guerre et que j’ai perdu autant sinon plus que certains. Mais face au dragon, j’ai l’impression de perdre mes moyens et je dois avouer que c’est un peu déroutant dans le fond. Jusqu’ici, aucun homme ne m’avait fait perdre à ce point mes moyens, pas même Ethan. Alors qu’il a partagé ma vie pendant un petit moment et que je l’aimais sincèrement.

J’étais tout de même curieuse de savoir qui était réellement l’homme qui me faisait face. Et à sa réponse, j’avais l’impression que nous étions un peu semblables finalement, à nous être forgé une sorte d’armure dans les épreuves, une armure qu’on a beaucoup de mal à enlever pour se dévoiler pleinement. Sans doute parce que nous sommes tous deux à un âge où on peut avoir un passé bien plus lourd qu’on ne le laisse croire. Ce ne serait pas étonnant avec tout ce qui s’est passé pour les surnaturels en quelques années seulement. Je n’irai pas fouiller dans son passé, ce n’est pas mon genre. Déjà parce que je n’apprécierais pas que quelqu’un se permette de fouiller dans le mien. Mais aussi parce que pour dévoiler certaines choses, il faut se sentir suffisamment en confiance, une confiance qui se construit au fil des mois, voire des années. Et je suis prête à attendre. Attendre qu’il me fasse suffisamment confiance pour oser me parler de son histoire et de ce qui l’a mené à devenir ce qu’il est devenu. Qu’on veuille l’admettre ou non, c’est après tout notre passé qui nous forge. Mais il détourna le sujet pour en venir à quelque chose de plus léger : les tatouages. J’observais celui qu’il me montrait avant d’exposer totalement mon avant-bras droit. Il avait donc remarqué certains des dessins qui ornent ma peau. Certains ne sont pas visibles pour le moment dans tous les cas. Je crois que j’ai eu à cœur de cacher ceux qui ont les significations les plus lourdes finalement...

Il valait donc mieux parler de ceux visibles ! Ce dragon, je me souvenais encore parfaitement de qui me l’avait tatoué, il y a de ça bien longtemps. “Je me suis faite tatouer ce dragon chinois quand j’étais encore à New-York. Ça me fout un petit coup de me dire qu’il est là depuis plus de dix ans déjà. Mais je l’ai fait pour toujours me rappeler d’où je viens.” Ça peut paraitre étrange, un dragon chinois sur quelqu’un qui n’est pas du tout typée. Quelques précisions s’imposaient alors. “Les zouwus sont apparus en Chine, il y a bien longtemps. Nos origines pures se sont perdues dans les méandres du temps. Alors, je voulais marquer celle que tout le monde connait.” Avec une petite pointe de regret, je relâchais la main du dragon, pour lui montrer plus librement l’intérieur de mon poignet gauche. “Et de ce côté, j’ai le yin. Il représente, entre autres, le féminin et la lune. C’est pour ces significations que je l’ai fais. Et...” Je me stoppais nette. Non, je ne pouvais pas parler d’Ethan, pas comme ça, pas maintenant. Ce qui était assez ironique, c’est que le yin représente aussi le deuil... Et que c’est moi qui l’ai vécu et non pas Ethan. Je secouais doucement la tête. “Je t’en dirais sans doute un peu plus sur celui-là une prochaine fois. Il y a des choses qui ne se disent pas dans ce genre de moment.” Je revins rapidement glisser ma main dans celle de Laszlo. Ce contact me rasséréna. Laissons les défunts là où ils sont. Mais puisque nous étions partis sur les tatouages, je pouvais bien continuer sur le sujet ! “Un peu plus tôt, je t’ai parlé d’une connaissance qui m’a sauvé la vie. En fait, c’est un peu plus complexe que ça. Cette personne, je l’ai connu à New-York à la base. Et avant qu’on ne se perde de vue et qu’elle me sauve la vie, elle a été ma meilleure amie. La vie a fait qu’on n’a pas forcément pu garder contact. Mais c’est elle qui a fait ces deux tatouages.” Maintenant que je savais où elle était, peut-être que je pourrais retourner la voir ? Mais j’avais sans doute assez parlé de moi ! “Bon, tu connais l’histoire de deux des miens. Les tiens, ils ont une histoire ou tu les as juste faits parce qu’ils te plaisaient ?”