(stella) I could really use a wish right now

PREMIÈRE FORME (32 ans)

 Dans la chaleur écrasante de l’Espagne du sud, Carmen donne naissance à un minuscule bébé. Elle est bien seule et peu fière, l’homme qui l’a charmée ne sera jamais un père à la hauteur et elle le sait, mais elle n’a pas su lui résister. Leur relation est déjà faite d’alcool et d’éclats de voix et l’arrivée de ce bébé ne viendra rien arranger. C’est une petite fille, de grands yeux noirs, un sourire franc, pourtant elle n’est pas comme les autres. Carmen s’y attendait et le lien se fait naturellement. Sa fille sera sa djinn, un cadeau dont elle ne sait pas encore à quel point il sera pesant ou non. Mais quand Stella la regarde avec toute l’intensité des étoiles, elle ne se fait pas trop de soucis. Même seule contre tous, elle élèvera cette petite comme il se doit.
Pile un an plus tard pourtant, l’erreur recommence et c’est un petit garçon que Carmen met au monde. Il ressemble tant à sa sœur qu’elle ne peut que l’aimer instantanément lui aussi. Il se lie à l’une de ses plus proches amies, elle sait qu’elle sera à la hauteur. Le père n’est pas beaucoup plus là, mais elle a appris à faire sans. Dans quelques temps, elle ne le reverra même plus jamais, il disparaitra comme il est de coutume dans son peuple. Il ne lui a laissé que de brèves explications sur sa race, celle de leurs enfants, mais elle s’en moque. Stella et Orion seront ses trésors, djinns ou pas, elle les élèvera comme bon lui semble.
Et pendant 32 ans le charme fera effet. Carmen élève ses enfants en les faisant rêver, en leur promettant le monde. Ils sont puissants, plus que ceux qui ont tout l’or du monde, même si eux ne roulent pas sur l’or. Ils peuvent devenir qui ils veulent et ne doivent laisser personne leur dire le contraire. Ils doivent se battre, faire entendre leur voix, dire tout haut ce que tous pensent tout bas. Stella le sait aujourd’hui, c’est de sa mère qu’elle a tiré sa force de caractère et qu’elle a toujours refusé de se faire marcher sur les pieds.
De cette première forme, elle garde un souvenir impérissable, se dit souvent que si elle avait été l’unique, cela ne l’aurait pas gênée. C’est à cette époque que ses liens avec Orion sont devenus incassables. Orion son roc, Orion sa boussole, Orion son étoile dans la nuit. Orion le seul en qui elle est toujours eu confiance et qui pour toujours sera au près d’elle. Mais Carmen n’explique jamais réellement à ses enfants comment se passeront les choses pour elle. Alors, quand elle meure d’une pneumonie, c’est la surprise pour Stella. Envoyée dans le néant sans avoir le temps de dire aurevoir, séparée de son frère sans avoir pu lui donner un lieu où se rejoindre. Le début d’un enfer qui durera longtemps, bien trop longtemps pour celle qui a toujours tiré sa force de ceux qui l’entourent. Etre seule est une torture de laquelle elle tentera de se sortir chaque durant chaque seconde de son cauchemar.

1845 – 1878 : 33 ans de purgatoire

DEUXIÈME FORME (10 ans)

 Elle se lie à Francisco pour revenir sur Terre. Elle se trouve toujours en Espagne, se dit qu’elle a crié trop fort dans sa langue pour atterrir ailleurs. Francisco a une trentaine d’année et elle a adopté un corps qui s’accorde à cet âge. Femme à nouveau, elle n’hésite pas au moment de choisir, être un homme ne l’intéresse pas. Francisco n’est pas comme sa mère et l’arrivé d’une djinn dans sa vie lui fait tourner la tête. Il veut du pouvoir, mener des batailles et se faire connaitre de la famille royale.  Il veut devenir quelqu’un, compter pour son pays, faire connaitre son nom et craindre sa colère. C’est sur elle qu’il s’appuie, elle sa djinn, elle qui doit obéir à ses moindres désirs. Mais Stella s’en lasse. Elle ne veut pas être commandée, elle ne veut pas donner du pouvoir à cette homme qu’elle méprise de plus en plus à force de le connaitre. Ses ambitions sont mauvaises, son cœur est noir et tout en lui la dégoute. Il exerce une pression malsaine sur elle, la menace en permanence de dévoiler sa nature au grand jour et de la jeter en pâture à un monde pas tout à fait prêt à accepter le surnaturel. Donne-moi ce que je veux Stella. Fais ce que je veux Stella. Sois qui je veux Stella. Mais Stella, comme sa mère lui a appris, ne se laisse pas marcher sur les pieds. Stella refuse d’obéir à l’égo d’un homme qui ne mérite pas ses pouvoirs. Stella ne pense qu’à une chose, retrouver Orion et partir loin. Elle n’ira finalement nulle part, car dans sa fuite de Francisco elle apprend une chose, être djinn l’empêche d’exister pour elle-même. Et la distance et la résistance dont elle fait preuve face aux désirs de Francisco la ramène bien plus tôt que prévu au purgatoire.

1888 – 1912 : 24 ans de purgatoire

TROISIÈME FORME (23 ans)

Elena a tout juste seize ans quand elle entend l’appel de Stella. La djinn s’est époumonée dans sa prison solitaire, elle a crié, hurlé, tapé sur les murs imaginaires pour se faire entendre. Il n’était pas question de rester enfermée aussi longtemps que la première fois, elle ne l’aurait pas supporté. Pourtant elle a été sélective, elle a ignoré une connexion. Une voix masculine qui a répondu à son appel, elle ne sait plus très bien à quel moment. Mais en l’entendant elle a revu Francisco, elle a revu son égo et son mépris. Et elle a décidé que non. Car rester enfermée était moins finalement moins pénible que de servir les desseins d’un homme. A partir de maintenant, elle ne choisirait plus que des femmes, c’était décidé.
Elena a des rêves plein la tête. Le monde dans lequel elle grandit est en plein changement, à l’aube de révolutions qui ne cesseront de bouleverser la façon dont on vit, dont on pense. Elena a de l’ambition. Elle ne veut pas être spectatrice de sa vie. Dans un monde où les femmes luttent de plus en plus pour acquérir une place, elle veut se joindre au combat et libérer ses sœurs de l’emprise masculine. Stella se retrouve en elle, admire sa force et sa détermination. Elle se revoit à son âge et se prend d’affection pour elle. Elena est une petite sœur, une fille, une amie et elle la protégera de tout, tout le temps. Pas tellement par devoir ou obligation, mais parce qu’elle l’aime. Pour la première fois, elle se dit que ce lien peut être une bonne chose, qu’elle peut aider des gens qui en ont vraiment besoin et que cela n’a pas à être forcément vécu comme une corvée.
Mais Stella a toujours en tête de retrouver Orion. Orion son frère, son repère, celui qu’elle n’a pas vu depuis si longtemps. Son estomac se serre quand elle pense à lui. Le reverra-t-elle un jour ? Leurs réincarnations arriveront-elles à se coordonner ou passeront-ils l’éternité à se manquer. Alors elle profite de chaque instant pour écumer les recoins de l’Espagne, du pays qu’elle n’a jamais cherché à quitter. Elena lui demande souvent, pourquoi elle ne s’est pas réincarnée ailleurs ? Pourquoi n’a-t-elle pas profité de tout ça pour découvrir un autre pays, une autre culture ? Stella balaye toujours la question d’un geste de la main, mais au fond elle fait. Tant qu’elle n’aura pas retrouvé Orion, elle ne quittera pas l’Espagne, car, elle le sent dans ses tripes, lui aussi ne partira pas sans elle.
En 1935 elle finit par retrouver sa trace. Il vient tout juste de trouver un humain, non loin d’elle, comme si le destin avait pu les rassembler. Il a changé, elle aussi, mais le lien qui les unis est trop fort pour qu’ils ne se reconnaissent pas. Elle lui dit qu’elle n’a jamais quitté l’Espagne pour être sûre de le retrouver, il lui dit qu’il a fait de même. Et ils se mettent d’accord. Un jour ils tueront leur humain pour ne plus avoir à se perdre. Orion y pense dès maintenant, mais Stella ne peut s’y résoudre. Pas Elena, pas ses grands yeux sombres et son envie de vengeance. Pendant un an il essaye de la convaincre, mais le temps les rattrape avant qu’elle n’ait pu céder. Elena est tuée dans les prémices de la Guerre Civile Espagnole, renvoyant cruellement Stella dans son purgatoire.

1936 – 1954 : 20 ans de purgatoire

QUATRIÈME FORME (22 ans)

Juanita a 25 ans. Elle ne sait pas ce qu’elle veut dans la vie, ne sait pas comment le réclamer ni comment être heureuse. Juanita est seule et souvent triste. Elle aimerait qu’on prenne soin d’elle mais tous ceux qui l’entourent passent leur temps à la rabaisser. Dans son cœur, elle a l’impression que personne ne l’aime vraiment et parfois elle se demande si elle le mériterait, l’amour. Juanita pense souvent à quitter ce monde, après tout, elle ne manquerait à personne réellement. Elle s’apprête à sauter d’une falaise quand elle entend la voix de la djinn dans une grotte en contre bas. C’est elle qui l’empêchera de se jeter dans le vide. Une rencontre haute en couleur, comme la relation qui liera ensuite les deux femmes.
Stella ne sait pas toujours comment l’appréhender. Elle ne sait pas mentir, ne sait pas enjoliver les choses qui n’ont pas la possibilité de l’être. Juanita est attendrissante et Stella veut l’aider. Mais Juanita est instable, sujette à des sauts d’humeur imprévisible. Tantôt joyeuse à l’excès, tantôt triste comme les pierres. Etre à ses côtés est épuisant, mais Stella fait tout ce qu’elle peut pour l’aider. Elle refuse que cette femme que la société a laissé de côté se perde dans l’abyme que l’on a créé pour elle.
Stella a besoin d’aide et c’est Orion qu’elle cherche pour ça. Elle hurle son nom partout, mais rien n’y fait. Et puis l’idée lui vient. Si son frère est au purgatoire, peut-être peut elle faire en sorte d’envoyer un humain le trouver. Alors Stella ne hurle plus seule, elle emmène des âmes perdues hurler avec elle, jusqu’à ce que ça marche. Jusqu’à ce qu’il les entende. Quand Orion revient elle se sent soulagée. Il saura comment faire, comment l’aider. Et puis l’idée est toujours présente. Peut-être qu’ils pourraient prendre la place de leurs humains, peut-être que la solution est là. Orion lui dit que tout se passera bien, que ça ira. Et il n’hésite pas. Il n’attend pas. Il ne veut pas connaitre ce nouvel humain, il ne veut pas patienter. Il lui plante un couteau dans le cœur pour prendre sa place et ne jamais avoir à retourner dans le noir.
Stella veut faire de même. Elle se tient prête, elle y croit. Mais il est déjà trop tard pour elle. Quand elle regarde Juanita, elle voit tout ce qu’elle a subit et refuse d’être le bourreau de plus. Alors elle promet à Orion que la prochaine sera la bonne, qu’il faut qu’il l’attende, que quand elle reviendra, elle sera plus forte, plus apte à se débarrasser du boulet qui la condamne à une demi vie. Quelques années plus tard, malgré tous les efforts de Stella, Juanita retournera sur sa falaise et aucune voix ne l’arrêtera, cette fois.

1976 – 1999 : 23 ans de purgatoire

FORME FINALE

Vassilya est parfaitement enceinte quand elle rencontre Stella. La djinn est furieuse. Pendant 23 ans elle a imaginé son retour. Reprendre forme humaine. Trouver une arme. Tuer l’humaine. Le plan est parfait, simple, infaillible. Pas de sentiment, pas d’hésitation. La fin de son calvaire. Mais quand elle apparait devant Vassilya, c’est son énorme ventre prêt à exploser qu’elle remarque en premier. Enceinte de sept mois, elle ne peut plus le cacher et Stella ne peut pas la tuer. Elle n’est pas cruelle. Vassilya lui raconte tout. Issue d’une famille royale. Censée être une dragonne. Humaine finalement. Une honte. Tombée enceinte à 19 ans. Une honte de plus. Chassée d’Angleterre. Reniée à jamais. Seule. Exilée ici, en Espagne. Pleine de désespoir. Elle lui demande de l’aide, elle lui demande d’être là pour l’accompagner, pour élever cette enfant qu’elle porte en elle et Stella accepte. Elle n’est pas si cruelle.

Vassilya donne naissance à une charmante petite fille. Elle l’appelle Rose. Elle a de grands yeux et passe ses journées à rire. Stella tombe sous son charme instantanément. Ses vies antérieures n’ont jamais été bercées par les cris d’un enfant, mais alors qu’elle est réveillée chaque nuit par ceux de Rose, elle comprend que c’est de cette vie qu’elle a besoin. L’envie d’être mère, le besoin de transmettre ce qu’elle est, ce qu’elle connait. Elle a retrouvé Orion. Sous sa forme finale, il n’a pas été difficile de croiser sa route. Il s’est habitué à cette nouvelle forme de vie et il lui dit qu’il ne changerait pour rien au monde. Elle a envie de le suivre, envie de le rejoindre et de ne plus le perdre. Il lui demande, lui dit que ça serait plus simple pour eux. Mais il est déjà trop tard, elle s’est trop attachée à Vassilya et elle ne peut pas priver Rose de sa mère.

Vassilya est inquiète. L’Espagne est trop proche de l’Angleterre et elle craint que sa famille se cherche à la retrouver ou à mettre la main sur sa fille. Elle veut fuir et mettre un océan entre eux. Elle entraine Stella dans son départ, la djinn qui n’a presque pas le droit de protester. Stella entraine Orion. Si elle doit retrouver sa prison à un moment ou un autre, elle compte bien profiter de lui jusque-là. Stella déteste quitter la seule terre qu’elle ait jamais connu, mais elle découvre aussi que tout n’est pas si terrible ailleurs et se prend d’affection pour ce nouveau pays. Ils s’installent tous à Phoenix où la chaleur écrasante lui rappelle celle de sa chère Espagne.

Elle rencontre Beatriz pour la première fois. Beatriz qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Beatriz qui se bat pour ce qui est juste. Beatriz qui défit la loi et lui fait rapidement tourner la tête. Beatriz sur qui elle tombe nez à nez dans son propre salon, les poches déjà remplies de billets verts. Elle a connu des femmes durant ses multiples réincarnations. Des amourettes ou des histoires d’un soir, mais ce qu’elle ressent avec Beatriz est différent. Beatriz qui prend au riche pour donner aux pauvres. Beatriz qui défend la veuve et l’orphelin, les immigrés et les rejetés. Stella se met à l’aider, malgré les risques, malgré les protestations de Vassilya. Vassilya qui ne s’emble pas porter Beatriz dans son cœur. Mais Stella s’en moque, elle est heureuse. Son frère, sa copine, sa cause, sa fille. Ou presque.

Orion lui en parle de plus en plus. Il veut retrouver leur famille. Les Delacroix, il est sur d’en avoir entendu parler. Stella s’en moque. Si leur père est en vie, cela n’a que peu d’importance pour elle. S’ils ont d’autres frères et sœurs, la nouvelle lui passe loin au-dessus. Elle ne les connait pas, ils ne sont pas sa famille. Elle laisse Orion les traquer, écoute avec peu d’attention ses avancées, lui promet tout de même qu’elle fera un effort pour les rencontrer, s’il les retrouve, croisant les doigts dans son dos pour que cela n’arrive jamais. Mais elle ne peut rien lui refuser, Orion sera toujours l’être le plus important de sa vie.

Elle a commis une erreur. C’est ce que lui dit Vassilya. Beatriz lui a demandé de cacher plusieurs familles arrivées directement du Mexique. Mais les autorités sont au courant, les autorités vont venir et s’en prendre à Vassilya. Parce qu’elles sont envoyées par sa famille, parce qu’elles veulent lui reprendre sa fille. Il n’y a qu’une chose à faire et Vassilya la supplie à genoux d’accepter. Stella doit se rendre, Stella doit être enfermée, emprisonnée avec les autres surnaturels pour sauver Rose. La djinn accepte, à contre cœur, mais avec les ans il est devenu évident qu’elle pourrait faire n’importe quoi pour les beaux yeux de cette enfant.

C’est Orion qui lui apprend la vérité. Vassilya a menti. Rose n’a jamais été en danger. Les autorités ne se sont jamais intéressées à Vassilya. L’humaine a agit par pure jalousie, une haine que Stella ne comprend pas et qui lui explose en plein visage. Il faudra que Orion lui explique, lui dise que Vassilya a toujours regardé Beatriz avec des yeux pleins d’amour, qu’elle a toujours jalousé ce que les deux partageaient. Son sang ne fait alors qu’un tour. Trahie par son humaine, trahie par son amour. Voilà ce qu’on récolte en pensant aux autres et en se laissant marcher dessus. Stella ne se laissera plus marcher dessus. Depuis des mois, on la questionne, on lui promet la sortie si elle donne le nom du cerveau des opérations. Alors Stella crache celui de son amante, comme une punition tranchante, remplie de haine. Et quand elle rejoint l’appartement de Vassilya, elle attrape le premier couteau qui tombe sous sa main et le plante en plein cœur de l’humaine.
Dans les jours qui suivent, elle fera en sorte de modifier quelques souvenirs de Rose, mêlant le souvenir de sa mère au sien, pour que l’enfant ne les identifie plus que comme une seule et même personne. Elle la renomme Ophelia, lui trouve de nouveaux papiers et fuit avec son frère à la Nouvelle Orléans, laissant derrière elle cette vie enchainée dont elle s’est enfin séparée. Ophelia sera sa fille, elle l’aime déjà comme tel et tout ira bien.

La guerre éclate. Stella ne veut pas en faire partie. Elle ne veut pas sa battre. Elle est mère, elle est tout ce qui reste à Ophelia, elle ne fera rien qui pourrait bouleverser sa vie. Mais Orion ne l’entend pas de cette oreille. Il veut se battre, il veut mettre ses pouvoirs au service du surnaturel. Elle l’admire pour ça, a du mal à lui dire non, accepte même d’aller à cette réunion familiale stupide. Il a retrouvé leur père, des frères, des sœurs. Ce sont des retrouvailles étranges durant lesquelles elle ne dira pas grand-chose, se contentant de lancer des regards noirs et remplis de haine à cette femme à la chevelure blonde qui se fait appeler papa.
Quelques mois plus tard, la nouvelle tombe et lui déchire le cœur. Orion est mort. Orion ne vit plus. Il n’a pas survécu à une attaque. Il s’est écroulé sur le champ de bataille et c’est tout son monde à elle qui s’écroule en même temps. De toutes les douleurs que le monde aurait pu lui faire subir, elle n’en connait pas de pire. Pendant un temps, elle refuse même d’y croire. Orion reviendra. Il est un djinn. Immortel. Ils doivent vieillir ensemble. Traverser les siècles avec arrogance. Mais Orion ne revient pas et ne laisse qu’une douleur qui ne s’éteindra jamais réellement et des regrets qui la tiennent éveiller la nuit. Elle n’aurait jamais dû le laisser se battre seul. Elle aurait dû être à ses côtés.

La vie s’écoule et elle se montre forte pour Ophelia. Elle lui doit bien ça. Elle a 21 ans et est sa plus grande fierté. La vie tangible n’est pas celle qu’elle avait imaginée. Sans Orion, la vie est fade et douloureuse. A l’intérieur elle hurle, elle pleure et crache sa tristesse. Mais à l’extérieur, elle ne laisse rien paraitre. Pour Ophelia, pour Orion, qui n’aurait pas voulu la voir ainsi. Elle ne sait pas réellement ce qu’elle veut, elle. Parfois elle se dit qu’elle devrait se remettre à la recherche de cette famille qu’il s’était donné tant de mal à retrouver. Parfois elle veut prendre sa fille sous le bras et retourner sous le soleil de son pays d’origine. Parfois elle pense à la famille de Vassilya qui pourrait vouloir retrouver sa place. Et elle a peur. Elle est seule. Elle est triste. Mais elle est forte. Elle sera toujours forte. Elle ne se laissera pas aller. Pour Ophelia. Pour Orion. Pour elle aussi, finalement.