La vie reprenait doucement son cours. Petit à petit. J'avais l'impression de revivre de nouveau. Comme si la vie me donnait une autre chance. Au début, je pensais que ce n'était pas possible. Normalement, je n'étais pas censé être là. Vivre. Respirer. Avancer pas après pas. Et recommencer encore et encore. Je devais être en train de pourrir dans un cercueil. Avoir une jolie pierre tombale dans un cimetière. Mais je n'ai pas eu à passer par cette étape là. Non, j'ai pas eu à faire ça. A la place, je suis simplement revenu. Revenu d'un endroit dont on revienne jamais d'habitude. Un endroit ou on va quand on quitte ce monde. Une fois libérée des griffes de la mort, j'ai une nouvelle fois été prise au piège. Enfermée. Par un groupe dont je ne connais rien. Dont je ne sais rien. Je me souviens des souffrances que j'ai ressenti, de la peur que j'avais au creux de l'estomac. Certains jours, je voulais être ailleurs. Mourir une bonne fois pour toute. Arrêter d'avoir mal. Arrêter de souffrir.

Mais je suis là. Sur mes deux jambes. Toujours debout mais gardant des marques. Des séquelles. J'essaie de reprendre une vie normal même si j'ignore ce que ça veut dire aujourd'hui. La normalité est plutôt subjectif quand on est dans ma situation. Quand on a vécu dans l'obscurité la plus totale et qu'on a fait fasse avec le diable en personne.
Chaque jour, je faisais ce que je pouvais pour aller mieux. Pour reprendre ma vie. J'ai retrouvé ma sœur Sol. Ma Sol. Elle m'a recueilli. Elle m'a prise sous son aile. Comme un flambeau, j'étais attirée par sa lumière, sa force. Et quand je me suis senti prête à affronter une autre personne de mon passé, j'ai fais face à ma mère. Maman. Ma tendre maman. Je l'avais enfin retrouvée. J'étais heureuse. Parce que j'étais avec ma famille. Avec les miens.

J'avais aussi rencontré Devon. Ma Devon. Ma Zouwu. Depuis que je l'avais rencontrée, elle était devenu mon armure. Mon bouclier. Je l'aimais d'un amour inconditionnel, jamais encore je n'avais aimé une personne comme je l'aimais, elle. Elle était la personne la plus importante de ma vie. Je savais que si je la perdais, je ne pourrais pas m'en remettre. C'était la seule à qui j'avais dévoilé mes terribles cicatrices. Elle avait entraperçu cette douleur, cette souffrance que j'avais essayé tant bien que mal de cacher. Mais le point comme entre elle et ma famille, c'était qu'elle n'avait jamais vu à qu'elle point je pouvais me sentir coupable. Coupable de vivre alors que mon frère était mort. Coupable d'être simplement vivante. Coupable d'avoir fait confiance à une personne dont jamais j'aurais su qu'il me trahirait de la pire des manières. Coupable d'être empli de ténèbre. C'est en repensant à ça que je me décida de reprendre contact avec quelqu'un. Morgan.

Morgan était un sorcier. C'était lui qui m'avait servi de professeur quand j'avais appris que j'étais aussi une sorcière. Il avait été un mentor, j'avais appris à ses cotés. J'avais vu ces bons et ses mauvais cotés. Son innocence et sa noirceur. Au fur et à mesure, notre relation s'était transformé. Elle avait évoluée. D'un simple professeur, il était devenu comme un membre de ma famille. Comme un frère. Voilà pourquoi, je redoute de le confronter, j'avais peur de décevoir ma famille. Mais avant d'être un sorcier, c'était quelqu'un qui connaissait la mort. La noirceur. Le seul susceptible de comprendre ce que j'avais subi.
Je pris le chemin de son appartement, dans le quartier d'Adam Morgan en plein cœur de Washington. J'arrivais rapidement devant sa porte, je respirais de plus en plus vite. J'étais arrivée jusqu'ici. Je n'étais plus l'épave que j'étais lorsque j'avais vu Sol. Je n'étais pas la petite chose innocente que j'étais avant ma mort. J'étais blessée mais pas physiquement. Mais toujours debout. Je frappa quelques coups et j'attendis un peu avant de voir enfin son visage.

- Morgan...Je suppose que...tu t'attendais pas à me voir.

Il y avait comme une liste. De personne à qui je tenais. Ami et famille. Des personnes qui m'avait côtoyé. Qui me connaissaient. Qui savait qui j'étais. Et maintenant, ils voyaient la personne que j'étais devenu. Pour le moment, c'était plus dur. Plus difficile de voir les visages familiers. Les visages du passé. Je m'étais promis que si j'arrivais à partir, quitter l'enfer ou j'avais été recluse pendant 5 ans, je retournerais chez moi. Je retournerais voir les miens pour leurs dire que j'étais vivante. Quand j'avais revu les personnes, j'avais aussi revu ma maison. Ma maison  qui semblait si étrangère. Parce que je ne reconnaissais plus rien. Je ne me reconnaissais plus devant la glace. Mon propre reflet était devenu une étrangère. Je me sentais morte. Au fond, je sentais qu'il y avait une adolescente morte et une adulte à peine vivante. De tous les être que je connaissais, Morgan était quelqu'un à part. Différent.e. Mais c'était justement ce qui était bien. Que j'avais besoin. Pas seulement ses compétences de mentor. Sa présence. Ses mots. Sa vision.

A force, je reconnaissais le regard. Ce regard qu'ils avaient tous quand ils me revoyaient. Qu'ils revoyaient vraiment. Surprise mêlé à de la tristesse et des souvenirs du passé. Je n'avais aucune intention de rouvrir de vieilles blessures du passé. Seulement d'essayer d'avancer. De comprendre d'où venait mon problème. Pourquoi, je voyais la mort sans cesse ? Pourquoi ?

Je n'avais pas besoin de rajouter que j'étais vivante. Iel le savait. Iel le voyait. Iel avait besoin de temps. Au moins un peu. Le temps qu'il m'avait fallu pour comprendre que j'étais revenu à la vie. Malheureusement, il n'y avait eu personne après. Plus personne. La solitude des morts. Le résultat de la guerre. Une guerre auxquelles j'avais voulu participer. Auxquelles je n'aurais pas dû y participer. Maintenant, ma vie n'est plus qu'une succession de regret et de culpabilité. Et c'est lourd. Trop lourd pour mes épaules frêles. Je n'avais plus les mots. Pas de mots assez fort pour répondre au interrogation du sorci.ère.

- Je sais pas...enfin...je sais plus. Ca fait longtemps que je n'arrive plus à répondre à cette question.

Il m'invita à entrer chez lui, je n'y étais pas allé très souvent mais le chemin m'était devenu familier. Comme sa compagnie. Juste lui et sa façon d'être. Iel n'avait pas changé. Toujours le même. C'est bien. Bien de voir que certaines choses ne changent pas. J'aurais voulu ça pour moi. Moi, j'avais trop changé. Beaucoup trop. Trop compliqué. Je m'installa dans le salon, regardant un peu autour de moi pour retrouver des repères passés avant de répondre.

- Je crois que je prendrais un verre d'eau, merci.

Il ne mit pas longtemps avant de revenir. Il y avait tant de chose que j'aurais voulu lui dire. Dire plus tôt. Trouver une façon de tout dire sans passer pour une cinglée. Mais encore une fois, tout était beaucoup trop compliquée. Moi, j'étais devenue compliquée.

- Après avoir revu ma famille, j'ai voulu te revoir aussi. Parce qu'il y a des choses que je peux pas leur dire. Des choses...qui me sont arrivé et qu'ils ne pourraient pas comprendre. Alors que toi, si. Mais peut-être que je ne devrais pas en fin de compte.

Parce qu'il n'était pas seulement mon mentor. Il était plus. Plus que ça. Comme un frère. Un membre de ma famille. Je ne voulais pas voir le même regard que celui de Sol ou de Maman. Pas de déception. Pas de chagrin. Tout sauf ça.

Je ne savais pas pourquoi j'avais tant attendu avant de le voir. Avant de reprendre contact avec lui. Peut-être que j'avais tout prévu. Parle à ma famille. Parler aux miens. Cela n'avait pas était très évident. Plus compliqué que prévu. Parce qu'il y avait les autres. Celles et ceux qui me connaissaient avant. Qui avait connu la Isis pleine de vie, joyeuse et toujours souriante. Aujourd'hui, j'étais bien différente. Trop différente. Et même si personne disait rien, même si je ne relavais pas, je voyais qu'il y avait quelque chose de différent. Ils prenaient des gants avec moi. Ils faisaient attention. Attention à ce que je ne brise pas encore une fois. Même si je vois qu'ils veulent m'aider, faire en sorte que j’oublie tout, je sais que ce n'est pas possible. Parce que cela sera toujours là. Comme une cicatrice. Tant qu'on a pas vécu ça, on ne peut pas comprendre. Hélas, très peu de gens peuvent prétendre être revenu d'entre les morts.

Quand Morgan m'apporta mon verre d'eau, j'avais remarqué qu'iel n'avait rien dit. Aucune question. Rien. Je lui en étais reconnaissante. Pour ça. Pour sa compréhension. Pour son calme. Parce qu'iel avait l'habitude de côtoyer les morts. Iel était le plus à même de savoir ou même de comprendre, même un peu, la douleur que j'avais pu ressentir. C'était quelque chose qu'on avait du mal à décrire avec des mots.
Iel ajouta qu'il pouvait déjà trinquer à son retour inespéré. C'était déjà ça. Un bon début. Histoire de faire les choses dans l'ordre.

- Je suis contente de savoir qu'il y a des choses qui ne changent pas.

Je décidais de trinquer à ça. Une nouvelle chance. Une nouvelle porte de sortie. De toute manière, je n'avais pas vraiment le choix. Je ne voulais plus revenir tout ça. Recommencer encore une fois cette expérience éprouvant. Après avoir bu une gorgée, je gardais le verre dans ma main, tapotant légèrement le verre avec mes doigts.

- Ma question va peut-être te sembler...un peu étrange mais...tu crois qu'il y a une raison...pour que je sois encore vivante ? Pourquoi j'ai survécu et pas mon frère ?

Je pose le verre sur la table devant moi. Je me retourne le problème dans tous les sens mais j'en viens à la même conclusion. C'est ma faute. Parce que j'étais là. Parce que j'étais présente. Orion était tellement mieux que moi. Plus courageux. Plus fort. Alors, pourquoi la vie l'a t-elle laisser mourir ?

- Je ne peux pas croiser le regard de ma famille sans me sentir horriblement coupable, Morgan.

Je savais qu'il y avait quelque chose. Quelque chose d'autre. Quelque chose de pas normal. De pas naturelle derrière mon retour. Les souvenirs étaient encore là. Encore présent au fond de ma mémoire. Même après 5 ans, c'était comme si cela c'était passé hier. Ces sensations. Le froid qui commence à envahir le corps. La fatigue. Le fait que notre propre corps ne nous écoute même plus. Cette peur. Toujours présente en soin. La peur de ne plus avoir assez de souffle. La peur ne refermer les yeux sans avoir l'opportunité de les ouvrir de nouveau. Cette peur de l'inconnu. Du néant. De l'oubli. Je me souviens. De cette période en particulier bien que la suite ne soit qu'un pan obscurité de ma vie. Après ça, il n'y avait eu juste qu'une absence avant d'ouvrir subitement les yeux, comme si rien ne s'était passé. Mais je le savais, c'était pas normal. Je l'avais sentie pourtant, quelque chose n'allait pas. Vraiment pas. Parce que contrairement à moi, mon frère était bel et bien mort. Pourquoi mon chemin n'avait pas simplement suivi le sien ?

La culpabilité, le chagrin n'était presque rien comparé au fait que je j'ignorais tout. Tout ce qui s'était passé jusque-là. A ce moment là. Je n'avais pas mes réponses. Je ne pouvais rien dire à ma famille sans les inquiétés davantage. Ou pour leur cacher une vérité bien plus sombre. Je le sentais. J'avais dû payer un prix pour revenir à la vie. J'ignorais encore lequel, malheureusement. Si les paroles du sorcier.ère faisait toujours du bien à entendre, si sa présence était une joie, je savais que ma visite était aussi dans le but de répondre à une question sans réponse. Sans avoir dit les mots, sans les avoir prononcer, Morgan savait. Il avait senti cette aura obscur qui me collait à la peau comme une ombre. Une autre face de moi-même.
Iel me proposa d'avoir une réponse. Une piste. Même si une partie de moi était terrifié à l'idée de connaitre les réponses. Mais surtout, de devoir repenser à cette période. Ces moments qui avait complètement changé ton existence. Mais Morgan n'était pas simplement un professeur. Il avait été mon ami. Une amitié forte.  Un lien solide entre deux personnes manipulant la magie. Mais c'était aussi un membre de ma famille. Le seul être susceptible de comprendre. D'écouter.

- Je sais pas...je crois que j'en sais pas plus que toi. Et même si ça me fais peur, je crois que j'ai besoin d'un coup de main. Tu es le seul à pouvoir me l'apporter.

Prenant de nouveau le verre d'eau dans ma main, je reprends une autre gorgée d'eau avant de poser mon regard dans celui de mon ami.e. J'avais l'impression d'attendre depuis trop longtemps. Mais j'avais cette inquiétude. Cette peur qui ne voulait jamais partir. J'avais l'impression que j'allais finir par regretter tout ça. Vraiment tout. Mais avait-je le choix ? Je me lève et me dirige vers le sorcier.ère. Comme sauter dans le vide. Il fallait juste se lancer. Bien que je n'étais pas la plus courageuse des Delacroix. Pour ça, il y avait Sol. Ou Stella. Ou encore Orion.

- Dit-moi comment ça marche...ton rituel.

Il fallait que je sache. Que j'obtienne mes réponse. Que je sache ce qui s'était passé. Il y avait quelque chose. Je le sentais sans savoir ce que c'était réellement. Je ne pouvais faire ça seule. Je n'avais pas la famille la plus soudée du monde. J'aimais chacun de ses membres, du moins ce que je connaissais. Mais je ne pouvais pas en parler. Pas encore. Ils avaient leurs vies. Leurs problèmes. Leurs existences. C'était tous des être dotés d'immortalité. Ils ne comprendrait pas mes problèmes. C'était la magie qui était en œuvre. Alors, il me fallait me tourner vers quelqu'un qui saurait m'apporter son aide sans me rejeter pour autant. J'avais trouvé la bonne personne. Morgan était sans nul doute un des sorcier.ères qui saurait me dire ce qui va pas. Ce que je n'arrive pas à définir avec des mots. Il y avait juste cette sensation. Ce vide au creux de mon être abimée et fragile.
Iel avait plus de connaissance que moi. Plus de puissance aussi. J'avais une pleine confiance en ellui.

Je suivais le sorcier.ère jusqu'à une pièce sombre. L'endroit regorgeait de livre et de sortilège en tout genre. Dans mes souvenirs, il me semblait y avoir déjà été, quand Morgan avait d'une aide précieuse lors de ton apprentissage de ma propre magie. J'avais l'impression de la ressentir un peu partout dans mon corps. Je trouvais cette sensation agréable. Familière. Je voyais le sorcier.ère traçait un symbole sur le sol. Je savais que c'était le moment. Le moment de vérité. Mais si je sentais mon ventre se serrait, j'avançais doucement pour me mettre sur le symbole, d'après les directives de mon ami.e. Je n'avais plus qu'à attendre. Pourtant, j'avais l'impression que les minutes étaient terriblement longue.
Après le sortilège, voyant le sorcier.ère affaibli par la puissance du sort, je m'approchais de plus et posa ma main sur son épaule. J'attendais ce qu'iel avait à dire. Pourtant, au début, il n'y avait rien. Je voyais l'expression de son visage. Iel étai troublé. Mais troublé par quoi ? Par qui ? L'attente était interminable et mon cœur battait de plus en plus vite. Puis il ajouta que j'étais morte avant de revenir à la vie. Je ne savais pas. En fait, si je le sentais, mais c'était encore trop trouble. Trop fort pour pouvoir me rappeler tout dans les moindres détails. Il y avait certains souvenirs qui ne pourrait jamais s'effacer. Jamais. Iel voulait savoir. Iel voulait comprendre. Moi aussi. D'autant plus que je n'avais jamais pu avoir la puissance pour prendre l'énergie de quelqu'un. J'étais trop faible à ce moment précis. Mais j'avais voulu savoir.

- Je...je me souviens pas de tout. Il y a des zones d'ombres. Mais je me souviens que j'ai cherché mon frère sur le champ de bataille...j'ai été blessée...gravement blessée. J'ai essayé d'aider mon frère aussi. Je crois qu'on a essayé de s'aider mutuellement. Mais...je sentais que j'allais mourir. J'ai senti la vie qui quittait mon corps petit à petit. Je savais que j'allais mourir. Pourtant, je...j'ai ouvert les yeux et j'étais vivante. Alors que le corps inerte de Orion était près du mien.

Je comprenais pas. Il n'y avait pas de logique. Pourquoi moi ? Pourquoi lui. Je me tournais les méninges. Puis mon regard se posa sur Morgan. Je venais de comprendre. Comprendre quelque chose de terriblement sombre. Je finis par reculer, trouvant un siège ou je finis par me mettre. Morgan avait parler d'énergie vitale. L'énergie qui m'avait permise de revenir. Une énergie. Mais pas n'importe laquelle. Celle d'Orion. J'avais prise celle d'Orion. J'avais posé ma main sur son bras. Espérant le faire revenir à lui. Le sauver. Mais je l'avais tué. Une larme coula sur ma joue.

- J'ai essayé de sauver Orion...je me souviens maintenant. Je me souviens que je l'ai touché mais il s'est passé quelque chose...je ne sais pas encore quoi. Mais...c'est ma faute. C'est moi...c'est moi qui est tué Orion. J'ai volé l'énergie vitale de mon propre frère.

Je me pris le crâne dans mes mains. Je me trouvais monstrueuse. J'avais trouvé cette vérité que j'avais cherché pendant si longtemps. Mais elle était horrible. Douloureuse. Elle me pesait comme une pierre attaché à mon pied.

- Qu'est-ce que j'ai fais...

Remontant le fil. Remontant l'énorme pelote de laine menant tout droit à des portes que je n'aurais jamais voulu ouvrir. Parce mon passé est encore là. Entrelaçant au présent et au futur. Comme une marée sombre, envahissant les moindres moment positifs depuis mon retour. Comme si chaque action. Chaque parole. Chaque pensée me ramenait à ces moments douloureux ou la peur est maître. Mais je cherche. Je creuse au plus profond de ma mémoire, retournant à l'obscurité la plus totale. Des moments fragmentés. Des pièces d'un casse-tête bien plus complexe. Un tableau comportant plus de question que de réponse. Cela n'arriva pas morceau par morceau. Je reçois tout d'un seul coup. Comme une blessure ouverte. Comme la sensation d'une lame chauffé à blanc. Comme l'impression que tout l'air de la pièce s'envole. Je ne prend pas conscience que je me retrouve sur une chaise. Comme si tout était en train de changer. Comme si la vérité était bien plus terrible que le plus monstrueux des mensonges.

J'ai besoin d'une échappatoire. J'ai besoin d'une porte de secours. Un plan B. Je me tourne vers le sorcier.ère. Je me tourne vers mon ami.e. La seule personne qui semble comprendre. La personne qui m'apporte des vérités cachés et des réponses tant attendu. Mais je me retrouve avec des informations qui ne m'aide pas. Que je n'arrive pas à digérer. Des réponses qui complique mon existence déjà compliquée. Je pensais que la vérité me libérerait. Je pensais que tout ceci me permettrait d'être de nouveau proche de ma famille. Mais tout ceci est terrible. Je ne pourrais plus revoir leurs inquiétudes à mon égard. Je ne pourrais plus supporter leurs attentions, sachant que je devrais vivre avec une culpabilité perpétuelle.
J'entends Morgan me dire qu'il y avait autre chose. Un responsable. Un autre coupable. Quelqu''un qui pouvait faire ce que je n'avais pas pu faire, moi. Mais il n'y avait rien. Rien qui pourrait excuser ce que j'avais fais. Rien qui ne pourrait me racheter. Je devais payer. Encore et toujours.

- Et si c'était trop tard, Morgan ? Si c'était trop tard pour essayer de sauver ce qu'il reste de moi ?

J'attendais. Parce qu'il n'y avait que ça. Je voyais le trou ou j'étais tombé. Quelque chose de sombre. La terrible sensation d'être prise au piège. Avant d'attendre un pardon qui ne viendrait probablement jamais.

- Ils me pardonneront jamais pour ce que j'ai fais. Ma mère, Sol, Stella, Isida...je vais tous les détruire et ils s'éloigneront eux aussi.

Prenant le verre de Morgan, je pris une gorgée de ce qu'il avait pris. J'ignorais ce que c'était mais je sentais que c'était ce que j'avais besoin. Mais même le plus puissant des alcools ne peut pas faire oublier toutes ses horreurs.

- J'ai peur de te détruire aussi, Morgan.

La vérité m'avait littéralement achevée. Je me sentais prise dans une grande toile qui m'entrainait tout au fond. Je voyais les ténèbres. Je les voyais. Même en prenant une simple gorgée dans l'espoir d'y comprendre quelque chose, c'était pareil. Tout était pareil. Rien ne changé. Quand je faisais un pas en avant, quelque chose me retenait et me forçait à faire deux pas en arrière. Je voyais les visages de ceux que j'aimais. Ma famille. Ils étaient là et je savais ce qu'il voyait. Il me voyait, moi. Une véritable bombe à retardement. Qui retenait les morceaux de moi-même qui n'avait pas encore été détruit. Les morceaux de mon âme en miette. Je savais que j'étais coincée. Cernée de toute part. Si je gardais tout pour moi, la culpabilité deviendrait invivable et je n'aurais plus qu'à me laisser couler dans les profondeurs du néant. Mais si je disais tout, à Sol et à Stella. Si je leurs disais que j'avais tuée leur frère. Si je regardais ma mère dans les yeux et que je lui révélais que j'avais tué son fils. Tout s’effondrait autour de moi et j'en serais la seule responsable.

Morgan finit par réagir plus vite que moi. Il était mon ami.e. Il avait là. Comme moi je l'avais été. Il pris le verre que j'avais entre les mains avant de prendre les miennes. Je sentais ses paroles sincères. Il était là. Il croyait que tout finirait par s'arranger comme les histoires que l'on raconte aux enfants. J'étais trop vieille pour y croire vraiment. Et je me sentais trop jeune pour vivre avec un tel poids sur les épaules. Iel voulait m'aider. Il était là. Devant moi. Comme si rien ne s'était passé. Comme si les années d'absence n'avait rien entaché à notre amitié. Quand il disait tout ça, j'avais envie d'y croire. J'avais envie de croire qu'il pouvait y avoir une solution.

Je serrais doucement ses mains. Comme si elle étaient le seul moyen pour que je ne coule pas. Pour que je ne sombre pas. Pour que je n'abandonne pas. C'était le seul geste qui me permettait d'y croire encore un peu. J'avais ma vérité, je savais tout. Je devais trouver un moyen d’avancer, maintenant.

- Tu as toujours eu les bons mots avec moi.

Je croisais son regard. Je voyais qu'il était prêt à sa battre. A trouver quelque chose n'importe quoi. Parce que notre amitié était trop important à nos yeux. Aussi bien pour lui que pour moi.

- Merci d'être là. Merci de ne pas m'avoir abandonné, Morgan. Merci...pour ce que tu fais pour moi.

Maintenant qu'il était là. Maintenant que j'étais là, je n'avais qu'une chance. Il fallait que trouve un moyen. Un moyen pour protéger tout le monde avant que la vérité ne s'échappe et n’explose tout ce qui me tenait encore à cœur.

Avant, je marchais à travers les ombres. Les ombres sur les murs. Les ombres qui flottent dans mon sillage, laissant une empreinte sombre sur le sol. Je me disais que si j'avais découvert ça, seule, je n'aurais pas su comment j'aurais pu vivre. Continuer à vivre en ayant toujours à l'esprit, le secret qui pesait sur mes épaules. Le poids de la vérité. Les mensonges que je devrais gardé. Garder pour garder intact, la relation à peu près stable que j'avais avec ma famille. Même si les liens étaient fin comme une toile d'araignée, je m'en voudrais terriblement si la toile était brisé. Si le fil qui unissait les Delacroix était rompu. Parce que j'avais été là, parce que quelqu'un était mort. Parce que ce n'était pas moi.
Je savais qu'Orion aurait été mieux que moi. Il aurait fait les choses différemment. Il aurait affronté la situation avec courage et témérité. Moi, je me cachais parce que j'avais peur. Peur de la vérité. Peur d'être englouti dans l'obscurité. Peur du lendemain.

Morgan disait qu'iel ne m'abandonnerait pas. Iel serait là. Envers et contre tous. J'avais voulu l'éloigner parce que je me sentais maudite. Mon corps était vivante mais mon âme était maudite. Comme la boîte de Pandore, je renfermais les terribles secrets qui causerait la destruction de tout ce que je connaissais. Tout ce qui me faisait tenir debout. Tout ce qui avait de l'importance à mes yeux.
Iel ne baisserait pas les bras. Iel se battrait pour moi. Iel se battrait si je restais derrière. Mais il y avait des choses qu'iel ne pouvait pas faire. Certaines batailles pourraient être déjà perdu d'avance avant que j'ai pu faire quoi que ce soit. Je me sentais lâche de me cacher derrière le sorcier.ère. Il était plus courageux que je ne le saurais jamais.

- J'aimerais pouvoir savoir ce qu'il pense, maintenant, s'il me voyait.

Orion. Il avait voulu que je te suive. il avait fallu que je regarde ailleurs, l'espace d'un instant. J'avais été blessé par ma faute et tu avais payé tes erreurs à cause des miennes. A certains égards, j'avais voulu apprendre la magie de Morgan. Parce que les regrets sont puissant et lourd à porter.
Me dire que je n'aurais plus jamais l'occasion de parler avec lui. Lui dire à quelle point je l'aime. A qu'elle point il me manque. A quelle point sa présence m'aurait aidé. Et lui dire que j'étais prête à donner ma vie pour lui rendre la sienne. Je me demandais encore si ma propre vie avait de l'importance. De l'importance pour quelqu'un.