A war. A family. A decision [Stella]

Isis & Stella

You may be as different as the sun and the moon, but the same blood flows through both your hearts.

La guerre va éclater. C’est une certitude maintenant. Une question de jours, d’heures, de minutes peut-être. La guerre va éclater et chacun se retrouve face à un choix. Se battre, participer, s’engager dans le combat ou rester à distance. Quand Orion lui a demandé d’aller à cette réunion, elle a accepté du bout des lèvres. Elle lui devait bien ça, elle ne pouvait pas lui refuser ça. Elle savait à quel point cela comptait pour lui. Retrouver leur famille, s’allier, faire front commun et aller se mêler aux combats sur le champ de bataille. Elle avait été claire pourtant, il n’était pas question qu’elle participe. C’était trop risqué, trop dangereux et elle ne pouvait pas laisser Ophelia seule. Jamais elle ne se mettrait en danger pour une cause qui n’était pas la sienne et qui risquait de priver sa fille de sa mère. Elle avait essayé de le faire comprendre à Orion. Mais Orion est intrépide, brave, il ne recule devient rien. Il se battra. Et elle restera cloitrée à la Nouvelle Orléans, priant tous les dieux auxquels elle ne croit pas pour qu’il lui revienne en vie.

Pourtant elle était allée à cette réunion. Elle les avait rencontrés, tous, en tout cas ceux qui étaient là. Elle avait été polie, du mieux qu’elle avait pu, en tout cas. Mais elle avait été claire avec eux aussi. Ils pouvaient bien aller tous se battre, pour ce qu’elle en avait à faire. Elle ne les rejoindrait pas plus qu’elle ne rejoindrait Orion. L’histoire était derrière elle, même si la réunion n’était pas si éloignée. A vrai dire, elle n’y avait pas réellement repensé. Une fois sa décision prise, elle n’était pas du genre à tourner autour du pot, pas du genre à changer d’avis. Elle était droite, sûre d’elle. Elle n’irait pas. Et la question était derrière elle. Alors elle avait repris sa vie comme à l’habitude. Etait rentrée à la Nouvelle Orléans. S’était occupée d’Ophelia, de son travail, de son appartement, de son frère et de tous les détails qui composaient sa petite vie.

C’est le cœur léger et l’esprit libre qu’elle déambule dans les rues de la ville, s’imprégnant de ses odeurs, de ses bruits et de sa complexité. Elle vient de déposer Ophelia à l’école et rentre tranquillement chez elle. Elle ne travaille pas aujourd’hui. Elle a des courses à faire, des papiers à ranger, peut-être un peu de ménage si elle ne se démotive pas trop. Une journée calme, paisible malgré le tumulte qui gagne le pays et les tourments qui composent sa vie. Quand elle tourne la clé dans la serrure, elle pense au repas du soir, à ces choses simples qui ne demandent pas d’inquiétude, pas de soucis et dont elle veut combler son quotidien. Mais la bulle éclate rapidement quand elle aperçoit une jeune femme assise à la table de son salon.

« Vous êtes qui ? » Elle crie immédiatement, pleine de rage et prête à chasser l’intruse, avant de reconnaitre les traits de l’adolescente. « Salut, sœurette ! » Elle lui dit et son sang se met à bouillir dans ses veines. Si c’est une blague, elle n’est pas drôle. Soeurette ? Mais pour qui se prend-t-elle ? Pour qui la prend-t-elle ? Elle jette rapidement un regard sur la pièce, avise la fenêtre qu’elle avait laissé ouverte en partant, pour aérer, surement la porte d’entrée de sa jeune sœur. « Tu dois, sans doute, connaitre la raison de ma venue, Stella. » Elle ajoute et Stella hausse un sourcil. Non, elle ne sait pas ce qu’elle fout là, en plein milieu de son salon, sans y avoir été invitée. Tout ce qu’elle sait, c’est que cette intrusion n’est pas à son gout. « Tu te fous de moi ? » Elle répond le regard noir. « Je ne sais pas ce que tu fais ici, je ne sais pas ce que tu t’imagines, mais si je te reprends à rentrer chez moi sans y être invitée … » Elle ne termine pas sa phrase, se contente d’une expression faisant parfaitement passer sa colère et son mépris. Elle avait accepté de faire des efforts, d’aller à cette réunion, pour Orion, pour lui faire plaisir. Mais ça, c’était au-dessus de ses forces.

Isis & Stella

You may be as different as the sun and the moon, but the same blood flows through both your hearts.

Elle sent son cœur battre dans sa poitrine et ses muscles se tendre de colère. « Tu n'as pas besoin d'être aussi en colère. C'est pas comme si je t'avais pris quelque chose. » Lui dit sa sœur pour ne rien arranger. Elle bouillonne, prête à exploser. Est-ce une mauvaise blague ? Elle sait qu’à son âge, Isis doit voir le monde différemment qu’elle. Dans l’insouciance de ses jeunes années et la certitude que le monde est à portée de main, prêt à l’accueillir. Mais Stella n’est pas du genre à supporter cette arrogance de l’adolescence. Pas chez cette famille qu’elle n’a pas demandé à rencontrer, dont elle s’est passée toutes ces années. Non, Isis ne lui a rien volé, mais ce n’était pas ça le problème. Elle ne voulait pas d’elle dans son salon, elle ne voulait pas qu’on s’incruste dans son quotidien sans sa permission. Elle ne voulait pas de cette petite sœur qui après une simple rencontre semblait déjà se considérer chez elle dans sa vie. Elle la regarde d’un œil noir, prête à lui répondre d’un ton cinglant qu’elle pouvait bien être autant en colère que cela lui chantait, mais la jeune fille reprend avant qu’elle n’ait pu rien dire. « Bon, d'accord, je suis désolée d'être rentrée de cette façon. Mais j'avais besoin de te parler et j'avais peur que tu me mettes dehors avant d'avoir pu dire quoi que ce soit. » Elle rit jaune devant son manque de tact et la façon dont elle a cru bon d’analyser cette situation. Peut-être qu’elle ne lui aurait pas ouvert, si elle avait sonné, oui. Mais rentrer sans demander la permission n’était pas une bien meilleure solution.

Elle la regarde s’approcher, méfiante, restant parfaitement stoïque, sans esquisser le moindre geste de bienveillance ou sans baisser sa garde. Elle ne sait toujours pas ce qu’elle fait là, ce qu’elle lui veut et elle sent que la discussion qui s’amorce ne va pas lui plaire. « Pourquoi es-ce que tu veux pas te battre ? Pourquoi, Stella ? » Alors c’est ça, elle se dit. Elle est venue pour la recruter, la faire changer d’avis par elle ne sait quel miracle. En un sens, elle est impressionnée par sa ténacité, elle n’aime pas ses manières, elle n’aime pas sa façon de faire, mais cette petite n’hésite pas, ne recule pas. Elle vient la confronter en face à face et la questionner droit dans les yeux alors que Stella n’a fait que lui envoyer des signaux négatifs. C’est audacieux. Insouciant, stupide peut-être. Mais audacieux. « Ce n’est pas en forçant les gens à te parler que tu obtiendras des réponses. » Elle finit par dire de la même voix dure qu’elle emploie depuis le début, mais sans crier cette fois. Elle n’est pas apaisée, elle n’est pas calmée, mais elle sait que la sorcière ne partira pas sans réponse. C’est peut-être un point commun qui coule dans leurs veines à toutes les deux. « Ca ne m’intéresse pas. » Elle dit d’une voix lasse et sans équivoque. « Ce n’est pas ma guerre, ce n’est pas mon combat. Je n’ai rien à y gagner et tout à y perdre. » Elle rajoute en pensant à Ophelia. La guerre ne lui apporterait rien, elle ne pourrait que détruire ce qu’elle s’était donné tant de mal à construire, cette petite vie tranquille et paisible qui lui plait et lui convient. Pas de guerre, pas de conflit non nécessaire. Ce n’était pas pour elle, elle se moquait bien de tout ça. « Peut-être que toi ça t’amuse, mais je n’y vois aucun intérêt pour moi. » Elle conclue finalement, en déposant son sac sur la table en bois, commençant à ranger ses affaires, espérant que cette réponse suffirait à décourager la jeune sorcière et qu’elle débarrasserait rapidement le plancher.

Isis & Stella

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Elle voit rapidement que ses arguments n’ont pas fait mouche et que Isis n’est pas sur le départ. Agacée mais résignée, elle se dirige alors vers le comptoir de la cuisine, sort deux verres et une bouteille d’eau pétillante qu’elle pose sur la table, après avoir rempli chaque verre. Elle boit une première gorgée, s’assoit sur l’un des grands tabourets et reporte son attention sur la sorcière. Elle ne sait pas réellement ce que ça lui fait, de la voir là, droite et fière dans son salon. Elle s’imagine ce qui a pu la pousser à venir. Elle est si jeune, si pleine de conviction et de cette fougue qui caractérise les esprits de ceux qui n’ont encore pas connu grand-chose. Elle n’est pas djinn comme elle. Elle n’a pas eu l’occasion de voir le monde, de rencontrer ses habitants et de se laisser de leurs conflits et de leurs problèmes. Stella est une jeune djinn, par rapport à d’autres, mais elle a déjà compris que la vie ne serait jamais juste et qu’il valait mieux se battre pour soi même et pour ses proches que de s’engager dans des conflits qui entrainent toute une nation dans leur chute. Mais si elle est sincère, elle imagine qu’elle peut comprendre ce qui motive Isis et ce qui fait briller ses yeux de défi et de colère. Elle peut comprendre ce qu’elle fait là, à vouloir rallier d’autres personnes à sa cause. Mais la petite perd son temps et son énergie. Stella est assez vieille pour n’écouter plus qu’elle et ne jamais revenir sur ses décisions. Cette guerre n’est pas la sienne et ça ne le sera jamais.

Elle se défend, argumente, souligne le fait qu’elle sait très bien que tout ça n’est pas un jeu. Stella sent la pointe de jugement derrière ses paroles. Est-elle en train de détourner le regard pour éviter cette guerre ? C’est possible, et alors quoi ? Est-ce qu’elle devait réellement se mettre en danger pour une cause à laquelle elle ne croyait pas ? Elle hausse les épaules quand Isis lui parle d’Orion. Elle sait que son frère a choisi de se battre, lui. Ce ne l’étonne pas. Ca lui ressemble bien. Mais l’idée ne lui plait pas. Elle aurait préféré qu’il reste avec elles, comme ils sont depuis plusieurs années. « Je sais. » Elle dit avec humeur en avalant une nouvelle gorgée d’eau. « Et je pense que vous faites tous les deux une belle erreur. » Ce n’est surement pas ce que la sorcière est venue entendre, mais elle s’en moque. Elle ne la félicitera pas pour son courage ou sa détermination. Même si elle ne se sent pas proche d’elle, même si elle a du mal à la considérer comme sa sœur, elle ne peut trouver réjouissant de voir une gamine s’engager dans un combat qui la dépasse. Si c’était Ophelia, ça la rendrait malade. « T’es plus une enfant, mais tu restes jeune. Et je comprends que tu aies envie d’y aller, de te battre pour défendre tes idées. Peut-être que tu ne peux pas comprendre les miennes, mais ça ne change rien. J’ai une gamine de 13 ans, qu’est ce qu’il se passe pour elle si je vais me battre et que je reviens jamais ? » Elle lève les deux mains en l’air pour marquer l’absurdité de la situation. Non elle ne fera jamais ça. Elle a fait un choix en tuant Vassilya, il y a des années. Elle a choisi d’être responsable de sa fille et ce n’est pas maintenant qu’elle changera d’avis et certainement par pour une guerre ridicule.  

Isis & Stella

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Ca ne sert à rien d’argumenter, de se battre ou même d’en discuter. Elles ne tomberont pas d’accord. Si Stella a du mal à lui donner le nom de sœur, elle doit reconnaitre qu’Isis lui ressemble sur ce point. Elle est butée comme la djinn sait l’être également. Pas du genre à se laisser faire, à permettre à quelqu’un de modifier sa façon de voir les choses. Isis pense que cette guerre défendra ce qui est juste, elle pense qu’elle se battra pour la cause, pour des idéaux auxquels le cœur d’une adolescente ne peut que croire. Mais Stella n’est plus une adolescente. Elle a traversé les siècles, les époques et les pays pour apprendre. Apprendre à ne plus croire que le monde peut s’arranger ou que les autres peuvent être bons. La seule chose à laquelle elle croit aujourd’hui, c’est elle-même. Elle-même et les quelques personnes pour lesquelles elle a de l’amour à donner, de l’affection à prouver. Elle est djinn, elle est immortelle. Ce combat ne l’emportera pas et elle en verra d’autres par la suite. Les conflits s’enchainent depuis la nuit des temps et elle a appris à ne plus s’en formaliser. Si ce n’est cette guerre, ça en sera une autre, alors à quoi bon perdre son temps et son énergie ? « Je ne sais pas si elle est perdue d’avance. Peut-être pas et dans le fond ce n’est pas ce qui m’importe. Je sais juste qu’elle représente un réel danger et que je ne veux pas prendre ce risque. » Elle conclut avec un hochement de tête décidé. Il n’y a rien d’autre à en dire et Isis semble le comprendre. Elles ne tomberont pas d’accord. Elles sont trop différentes pour ça, malgré le sang commun qui les animent. Elles partagent un nom de famille mais pas une histoire, pas un passé et des ambitions communes. Le sang ne fait pas tout, dans certaines conditions.

C’est l’innocence de la question qui la surprend. Qu’est ce qu’elle ressentirait si Isis ne revenait pas de la guerre ? C’est une gamine, une enfant pleine d’avenir et surement de rêves, mais la djinn serait-elle affectée par son départ ? Les pertes liées à la guerre sont toujours terribles. Personne n’aime entendre à la radio le décompte des morts, voire revenir les cercueils impersonnels tout en apercevant les familles éplorées. Mais serait-elle plus triste si le corps transporté était celui d’Isis ou d’une parfaite inconnue ? Isis était-elle une parfaite inconnue pour elle, finalement ? Son nez et sa bouche se pincent dans une inspiration, elle avale une nouvelle gorgée d’eau pour trouver quoi répondre. « Je ne te le souhaite pas. » Elle finit par dire d’une voix qu’elle tente de rendre douce. « Ca serait tragique et tu es trop jeune pour finir comme ça. » Elle sait que ce n’est pas ce que la petite veut entendre. Mais Stella est franche, Stella ne sait pas mentir, même devant les grands yeux de biches d’une adolescente pleine d’espoir. « Je suis désolée Isis, tu sais que ce truc de famille là, c’est pas pour moi. Si tu ne reviens pas, ça sera triste, mais je m’en remettrai. » Elle hausse les épaules, mais ne détourne pas le regard. Elle ne fondera pas en larmes si on lui annonce que la petite ne reviendra pas du combat, elle le sait et elle se doute qu’au fond d’elle, Isis le sait également, même si la pilule peut être dure à avaler.

Isis & Stella

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Le silence est pesant dans les minutes qui suivent ses paroles. Pendant un moment, elle ne sait pas la réaction que pourra avoir Isis, tente simplement de l’imaginer. Que dirait-elle à sa place, que ressentirait-elle à sa place ? Si elle venait voir Orion, si elle lui demandait ce qu’il ressentirait si elle venait à mourir à la guerre, que ressentirait-elle s’il lui disait que ça n’aurait pas beaucoup d’importance pour lui. Elle serait dévastée, elle pleurerait surement, crierait beaucoup, l’insulterait de tous les noms. C’est ridicule, elle se dit. Isis et elle n’ont pas le même lien qu’elle et Orion. C’est incomparable car elle ne peut imaginer que la petite soit réellement attachée à elle. Certes elles sont sœurs, mais elles n’ont jamais rien partagé si ce n’est un peu de sang et un nom de famille. C’est tout. Si Stella ne ressent aucun autre attachement particulier, elle semble logique de se dire qu’il en est de même pour Isis. Elle comprendra, avec le temps, elle réalisera que la vision idéalisée qu’elle a de cette grande sœur qu’elle connait à peine ne vaut pas le coup de se donner tant de mal. Stella est une inconnue pour elle. Isis est une inconnue pour Stella. Et le monde continue de tourner rond.

Finalement la réaction de la sorcière est calme et Stella apprécie que la discussion ne tourne pas à un règlement de compte enroulé dans des cris et des larmes. « Hum. » Elle répond simplement. J’en doute Isis, je ne cherche pas à ajouter des membres à ma famille, j’ai ce qu’il me faut. Mais elle ne dit rien de plus, ne veut pas remuer le couteau dans la plaie. Tout ce qu’elle souhaite maintenant, c’est que la petite s’en aille, qu’elle quitte son appartement et la laisse reprendre le cours de sa vie. Sa vie dans laquelle il n’y a pas de place pour une petite sœur. « Tu voulais autre chose ? » Elle demande en avalant une gorgée d’eau. Elle lui montrerait bien directement la porte, mais elle reste pourtant là, plantée droite comme un i, attendant que l’adolescente se rende compte elle-même de la façon dont cette rencontre était subitement devenue terriblement gênante et qu’il valait mieux y mettre un terme. « Parce que j’ai pas mal de trucs à faire. » Elle rajoute, comme pour insister discrètement sur ses propos. Tu peux partir, Isis, je ne changerai pas d’avis et tout a été dit, maintenant.