Ab imo pectore - Cadmus

Ab imo pectore

Cadmus & Aidan

En ce jour de février, il faisait froid à Washington et la neige recouvrait les trottoirs d'une fine pellicule immaculée. Le lycée d'Aidan se trouvait non loin du Lightstorm Plaza, ce quartier luxueux où se trouvaient les demeures des membres de sa famille. Emmitouflé dans son anorak, le jeune dragon ressemblait à un adolescent ordinaire, son sac à dos accroché au bras, s'amusant à faire des dérapages sur les plaques de verglas.

C'était vendredi, le dernier jour de la semaine, et Aidan n'était pas fâché de voir arriver le week-end. Habituellement, il ne rentrait pas toujours chez lui directement après les cours mais pour une fois, il n'avait pas eu envie de traîner en rue avec ses potes. Aidan était soucieux, depuis un bon moment, tracassé par les derniers événements qui avaient secoué le monde et qui touchaient sa famille de près. On ignorait encore si la loi obligeant les surnaturels à se recenser serait votée mais tout portait à croire que ce serait finalement le cas. Que se passerait-il, alors ?

Tout en se rapprochant de son quartier, l'adolescent ne pouvait empêcher des pensées inquiétantes de tourner en rond dans son esprit. Comme souvent lorsque c'était le cas, il ressentait l'envie de retrouver Atlas, son grand-père, dans l'espoir qu'il puisse lui raconter comment se passaient les réunions du conseil de la nuit. Il aurait tout aussi bien pu interroger son propre père, qui faisait également partie du conseil, mais Cadmus était toujours si distant... Aidan ne savait pas comment lui parler. Ils avaient beau vivre ensemble, dans cette belle et grande maison, richement meublée, il avait parfois l'impression que son père n'était qu'un étranger. Un homme secret qui traversait les couloirs comme une ombre et qui semblait inabordable.

La maison d'Atlas se trouvait non loin de celle de ses parents, dans cette place privée dont l'accès était verrouillé par un sortilège. Seuls les Lightstorm et leurs invités avaient la possibilité de franchir le portique de ce quartier familial, une sécurité qui avait été mise au point bien avant la naissance d'Aidan. Dans ces lieux, la famille se trouvait protégée des importuns, regroupés comme dans un cocon autour de leur patriarche qui dirigeait son clan avec autorité. D'un pas léger, l'adolescent se dépêcha de rentrer chez lui, dans le but de récupérer certains livres qu'il désirait montrer à son grand-père. Atlas et lui discutaient de bon nombres de choses, de politique mais également d'histoires et de traditions draconiques.

Aidan gravit lestement les escaliers qui menaient à sa chambre, faisant du bruit dans son empressement à les monter quatre à quatre. Il jeta son sac à dos dans un coin, avant de fouiller ses affaires pour mettre la main sur les bouquins d'histoire. Il n'avait même pas pris le temps de retirer son épais anorak pendant qu'il glissait les livres sous son bras, prêt à ressortir aussitôt pour filer chez Atlas. Aidan se croyait seul chez lui, à cette heure ci, ses parents n'étaient pas à la maison, d'habitude. Il imaginait que son père se trouvait dans son magasin d'antiquité, en train de restaurer quelques meubles anciens. A croire que Cadmus éprouvait plus d'intérêt pour ces vieux trucs poussiéreux que pour ses propres enfants. Tristement, Aidan ne pensait même pas à lui, quand il avait besoin de parler à quelqu'un...

(c) DΛNDELION
@Cadmus Lightstorm

Ab imo pectore
Aidan Lightstorm x Cadmus Lightstorm

J'aurais aimé fermer plus tard. En soit, l'atelier m'était bien plus reposant que la maison. Mais j'avais donné à Eliott -vendeur prévu pour ce vendredi après-midi- des jours de congés. Ce n'était pas inhabituel, et en général pour donner quelques congés je m'occupais moi même de la boutique, en solitaire. Mais depuis que j'avais mangé... j'hésitais. Aidan finissais les cours plus tôt, et sans personne d'autres que père au domaine, ça lui laissait le champ libre pour lui intimer ses idées... dangereuses. Penser ainsi était dangereux, se laisser manipuler ainsi l'était tout autant. Je refusais qu'il fasse avec mon fils ce qu'il avait fait avec moi. Et pour autant, m'opposer ouvertement à lui serait dangereux pour nous tous. C'était le pire moment pour fragiliser l'unité des Lightstorm, et c'était de sa faute...
Confus, j'observais les fins flocons tomber au travers de la devanture... Puis tant pis. Les finances survivront à une après midi de fermeture. M'occupant de tout éteindre et plier, je fermais quelques pots dans l'atelier pour que rien ne sèche avant de m'assurer de couper toutes les lumières. Je finis par fermer le rideau intérieur, puis la porte, et descendre le rideau extérieur. J'avais écrit à la va vite une petite affichette avec "fermé cet l'après-midi pour cause de congé, toutes nos excuses pour l'impondérable". Cela serait suffisant.

Une fois sortit de mon petit havre ancien, le chaos du monde. La rue passante était bondée de monde à cette heure, chacun ne se préoccupant pas réellement des autres. Un type me bouscula un peu, s'excusant à peine, avant que mon regard ne se pose sur la neige écrasée. Ce n'était pas plus mal. Je détestais le blanc, c'est impudique, criard. Mais, à la fois, voir un élément aussi noble et lumineux terni et piétiné... j'étais partagé.
Ne trainant pas, je rejoignis ma voiture pour rentrer plus tôt que prévu. Aidan et père allaient avoir une nième discussion, et je voulais en être. Je finissais par redouter leurs moindres échanges... Combien de vendredi -ou d'autres jours- étais-je rentré tard, juste à temps pour apercevoir la fin de ce cirque ? Père est d'une mauvaise influence... Mais il est nécessaire...

**********

J'étais rentré, mais ne comptais pas prendre mon après-midi pour autant. Si tel était le cas je ne serais pas revenu à la maison d'ailleurs... J'avais pris quelques dossiers de compte le matin même, histoire de faire quelques bilans dans le week-end. Alors autant s'y mettre tout de suite. J'étais arrivé en début d'après-midi, et avais encore une ou deux heures devant moi avant que Aidan ne rentre ? Environ je crois. Je fis mes comptes dans un silence total, logé dans mon bureau. Une oreille tendue pour entendre la porte s'ouvrir. Non que je m'inquiétais de qui pourrait rentrer, les sécurités du domaine étaient bien assez efficaces. Mais je voulais entendre mon fils débarquer. En revanche, les heures passaient... et rien. M'étais-je trompé ? Il finissais ses cours plus tard que je ne le pensais ? J'étais confus... mais alors que mes doutes me rendaient inefficaces dans mes comptes, je finis enfin par être fixé.
Il était rentré comme d'autres soirs... Alors il ne finissais pas plus tôt le vendredi ?! J'aurais pourtant parié... Hésitant et réfléchissant à où j'avais bien pus entendre ça, je me levais tout de même calmement, secoué par le remus ménage que produisais le jeune homme dans les escaliers. Mon bureau était au rez-de-chaussée, sur la droite des escaliers donnant sur les étages, mais il n'était pas difficiles de l'entendre jusqu'à en haut. Pourquoi était il si pressé ? Je me demandais s'il comptait redescendre...

Et en effet, l'ouragan Lightstorm déboula dans la cage d'escalier en sens inverse. Alors, je me permis de sortir -faussement par hasard- juste à temps pour le croiser. Il avait des livres, mais plus son sac de cours, et encore son anorak. Où comptait-il aller avec ça ? Mon regard habituel le jaugea une seconde à peine avant que je ne le salut d'un signe de tête. Il ne me semblait pas l'avoir croisé ce matin...
"Bonjour Aidan, t'es cours se sont bien passé ?"
Je posais de nouveau un regard -plus insistant cette fois- sur les livres. Pour autant, je n'avais pas tenté de lire les couvertures, une forme de politesse.
"Et... où vas-tu avec cela ? C'est pour tes devoirs ?"
Où pour les montrer à quelqu'un... Partant de cette idée, je doutais que cela soit vraiment dans son programme... Je finissais peut être parano... mais je préférais prévenir que courir. Prévenir que le risquer lui, quoi qu'il m'en ait couté de lui donner naissance.

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