It's hard to say goodbye when you want to stay [PV Caelan]

Azariah & Caelan

You're leaving, I'm waiting, forgive me, I'm always missing you before the goodbye. I feel it already, forgive me, I'm always missing you before the goodbye.

La vie était un enchainement de jours se succédant tristement les uns les autres depuis qu’il s’était retrouvé à l’orphelinat. Au-delà de ce qu’il avait perdu, chaque nouvelle journée lui rappelait ce qu’il n’aurait jamais. Car dans l’incendie qui avait ravagé sa famille d’adoption, il avait laissé l’apparence acceptable pour être aimé à nouveau, adopté à nouveau. Brulé, abimé, trop vieux maintenant, il ne serait plus jamais une option envisageable pour les couples souhaitant agrandir leur famille. Il faut dire qu’il ne faisait pas spécialement d’efforts non plus. Même si la vie n’avait rien d’agréable à l’orphelinat, elle était au moins plus stable que de se faire trimbaler de famille en famille, de déception en déception. Il avait eu sa chance, sa chance était partie en fumée. Il attendrait d’avoir l’âge et il vivrait sa vie, il n’avait pas besoin d’une nouvelle famille. Il s’en sortirait très bien tout seul. Tout plutôt que de souffrir à nouveau.

Et puis sa famille était finalement venue à lui. Elle n’avait pas la forme d’un couple désespérément à la recherche d’un enfant. Elle n’avait pas la capacité de l’emmener loin et de lui rendre la liberté à laquelle il aspirait. Mais elle le faisait rire, elle le faisait s’évader, elle l’apaisait et rendait sa vie plus douce et plus belle depuis trois ans maintenant. Azariah était devenue sa famille. Sa bouée de sauvetage, son roc dans la tempête, son petit univers. Il ne saurait expliquer avec des mots ce qu’elle représentait, mais il savait que sa vie était plus agréable depuis qu’elle avait rejoint l’orphelinat elle aussi. Un mal pour un bien. Ils finiraient par sortir de là, tous les deux, et ils se construiraient la vie que l’univers leur avait refusé, tous les deux. C’était un plan, c’était une promesse et ça les faisait tenir tous les deux, chaque jour.

Elle était là, assise à ses côtés à la fin du jour et il ne s’inquiétait pas de la voir si calme. Ils avaient bien ri aujourd’hui, ils avaient profité de la vie qu’on leur offrait, de cet endroit qu’ils pouvaient appeler chez eux, même s’ils n’étaient pas seuls, même s’ils étaient entourés de dizaines d’autres enfants, adolescents dans leur cas. Il était à côté d’elle quand elle attira son attention et qu’elle le mena vers l’extérieur du bâtiment qui raisonnait de tous les cris d’enfants passés par là. « Allez, viens suis-moi ! » Et il la suivit, car il la suivrait n’importe où. Sans ajouter rien d’autre, elle se dirige d’un pas décidé vers leur petit coin à eux, à l’écart entre le grand saule pleureur et la cabane du gardien. Dans la fraicheur du soir, il se demande ce qu’elle peut bien mijoter, quel plan elle a élaboré, comment ils allaient pouvoir s’amuser tous les deux, comme toujours.

Elle avait cette influence positive sur lui. Elle faisait ressortir le meilleur de son cœur, tandis qu’il l’entrainait vers une voie plus nuancée. Leur complémentarité était un équilibre savant qui rendait tout plus facile. « Il faut que je te dise quelque chose. » Elle finit par dire, alors qu’ils s’installent à leurs places habituelles. Elle a le ton un peu grave, il le sent bien. Il la connait tellement par cœur qu’il peut le reconnaitre facilement. Mais il ne s’inquiète pas, peut-être a-t-elle eu une terrible idée et qu’elle a peur de lui montrer à quel point elle aussi peut être de mauvaise influence. Va-t-elle lui proposer de faire le mur et d’aller se balader dans les rues de Chicago ? Il n’a pas prévu ça ce soir, mais il ne dirait pas non. Il était toujours partant pour une nouvelle aventure à ses côtés. « Crache le morceau Az’, tu sais bien que tu peux me dire tous tes vilains petits secrets. » Il répond finalement, amusé, en croisant son regard. Dis-moi tout Az’, car toi et moi n’avons aucun secrets l’un pour l’autre et que ce n’est que grâce à ça que je peux survivre dans cette vie plate et triste.

Azariah & Caelan

You're leaving, I'm waiting, forgive me, I'm always missing you before the goodbye. I feel it already, forgive me, I'm always missing you before the goodbye.

Il a le sourire, là à côté d’elle dans leur petit coin tranquille, à l’abris de la cohue de l’orphelinat, à l’abris du reste du monde. Quoi qu’il se passe ici, ils avaient toujours ça, ces instants partagés tous les deux, ces moments à eux où leur complicité leur permettait de surmonter les épreuves que la vie avait placé sur leur route l’un comme l’autre. Elle plaisante, il sourit, c’est comme ça qu’ils fonctionnent et c’est comme ça qu’ils fonctionneront toujours. Il regarde la nature de la fin du jour, ce moment où tout s’apaise, tout s’endorme en sérénité, il est bien, il est heureux.

Et puis la douche froide. Les mots qui résonnent et pulsent à ses oreilles. Elle va partir. Elle va être adoptée. Elle va partir loin de Chicago. Sa tête pivote vers elle. Il n’y a plus de nature de la fin du jour, il n’y a plus d’apaisement, il n’y a que son monde entier qui s’écroule face à lui et lui, assis comme un con qui ne sait pas quoi dire, pas quoi faire pour l’empêcher de sombrer. Alors sa première réaction c’est de rire. Un peu nerveusement comme si elle lui faisait une mauvaise blague. « Ouai c’est ça. » Il dit d’une voix étranglée qui tente de mesurer. Ca fait trois ans qu’ils sont là, qu’ils partagent tout et qu’ils apprennent à vivre ensemble. Trois ans qu’ils se soutiennent et se comprennent. Trois ans qu’ils préparent des plans pour leur avenir sans imaginer qu’on puisse les séparer un jour. Lui a perdu l’ambition d’être adopté depuis longtemps, il en a fait le deuil et ne s’en formalise plus. Il ne s’endort plus les mains serrées sur son cœur en espérant trouver une famille le lendemain. Et il ne croit pas qu’elle non plus. Pourtant elle va être adoptée et c’est le coup le plus douloureux qu’il ait jamais reçu.

« Merde Az’, tu peux pas partir. Tu peux pas me laisser ici tout seul, je tiendrai pas. » Il finit par dire quand il voit qu’elle ne rigole pas en même temps que lui, quand elle ne dit rien pour modifier l’information. Il la supplie du regard, même s’il sait bien qu’elle n’a pas réellement son mot à dire. Il ne pense même pas à ce qu’elle peut ressentir. Peut-être qu’elle est heureuse de trouver une famille, mais il ne peut pas l’imaginer. C’est lui sa famille. Depuis trois ans, c’est lui. C’est eux. Alors pourquoi est ce qu’elle partirait à l’autre bout du pays en le laissant tout seul ?

Azariah & Caelan

You're leaving, I'm waiting, forgive me, I'm always missing you before the goodbye. I feel it already, forgive me, I'm always missing you before the goodbye.

La chaleur de ses mains enroulées autour des siennes lui serre le cœur. Est-ce là le dernier contact qu’ils partageront avant qu’elle parte à des kilomètres de lui ? Est-ce là le seul souvenir qui lui restera quand il pensera à sa présence et qu’il la reverra dans chaque coin de l’orphelinat ? Elle a toujours été là. Dès qu’il a passé la porte, dès qu’il a posé le petit sac qui lui servait de valise. Elle est partout, dans chaque pièce, dans chaque espace, dans chaque souvenir. Il ne peut pas imaginer qu’elle ne se mette pas à hanter les lieux après son départ et que son souvenir soit tout aussi douloureux que son départ. Ca n’a pas de sens, ça n’arrive pas à rentrer dans son esprit, ça n’arrive pas à être réel. Elle va partir, elle va le laisser là et il sera tout seul, comme un con, à nouveau. Elle est douce, elle est inquiète, il sent tout ça, mais il ne sait pas comment faire autrement. C’est le poids du monde entier qui vient de s’abattre sur lui et il n’a qu’une envie, s’enfuir en hurlant et taper dans n’importe quoi pour évacuer colère et frustration. Pourtant elle est là, devant lui pour la dernière fois et elle lui demande de tenir le coup. Elle lui demande de ne pas l’oublier. Comment pourrait-il ? Il fait non de la tête car aucun son ne semble plus pouvoir passer la barrière de ses lèvres. Peut-être que s’il ne dit rien, s’il prétend qu’elle ne lui a rien dit, peut-être que ça changera quelque chose. Peut-être qu’elle restera et qu’ils pourront continuer comme avant.

C’est ridicule, il le sait au fond, mais il n’est qu’un gosse, un adolescent de quinze ans à la vie misérable à qui l’on arrache la seule petite part de bonheur. Elle va partir, dans quelques instants elle sera déjà loin et ça, cet instant, c’est tout ce qui leur restera. « Je t’oublierai pas. » Il articule difficilement, retenant une larme qui ne demande pourtant qu’à s’échapper. Tirant sur ses bras, il la ramène plus près de lui, enroule ses bras autour de son buste et la serre contre lui. Il n’est pas le plus doué pour les démonstrations d’affection, mais c’est ce qui lui est venu. L’étreinte est étrange, gênante peut-être, il n’est pas sûr qu’ils aient déjà fait ça, mais ça n’a pas d’importance. Combien de temps avant qu’il ne puisse la voir à nouveau ? Combien de temps avant qu’il ne puisse la serrer dans ses bras de nouveau ? Si elle doit partir, au moins il aura le souvenir de l’odeur de ses cheveux et de leurs corps serrés pour l’empêcher de sombrer. Quand il se recule et qu’il revoit son visage, il ne sait plus comment agir. Que dire, que faire. Alors il passe une main sur son visage, se racle la gorge. « Putain, j’y crois pas. » C’est tout ce qui sort, il se dit que c’est la colère et la frustration. Mais il ne peut pas lui laisser cette impression. Alors il ajoute. « Tu sais où tu vas ? Je … Je pourrais peut-être venir te voir. C’est loin ? C’est pas la fin, dans trois ans je pourrais me casser d’ici et on pourra continuer comme on avait prévu. » Il parle sans savoir s’il essaye de se rassurer ou de se convaincre. Mais il ne lui reste plus que ça maintenant, l’espoir que tout ne se termine pas aujourd’hui, alors qu’elle passera les grilles de l’orphelinat pour la dernière fois.  

Azariah & Caelan

You're leaving, I'm waiting, forgive me, I'm always missing you before the goodbye. I feel it already, forgive me, I'm always missing you before the goodbye.

La Californie. C’est loin, la Californie pour le petit gars de Chicago qu’il est. Il ne pense pas y avoir jamais mis les pieds, les voyages ce n’est pas trop son fort. Mais il en a vu des paysages entiers dans les films, les livres de géographies et ce genre de conneries. C’est loin, sur le coup, c’est tout ce qu’il retient. Même s’il fugue de l’orphelinat de temps en temps, il ne pourra pas aller aussi loin. Pas assez d’argent, pas assez de temps. Ils le retrouveront avant, la ramèneront entre les quatre murs pourris et lui diront qu’il doit rester là, jusqu’à ce qu’il ait le droit de s’occuper de lui-même. C’est loin et ça veut dire qu’il ne la reverra pas tout de suite.  Il n’arrive pas à sourire quand elle lui dit qu’au moins il fera beau là-bas. C’est évident, elle sera surement mieux. Mieux que sous la pluie de la côte est, mieux que dans cet environnement froid et triste. Elle sera mieux, surement plus aimée, surement plus épanouie. Pour la plupart des enfants ici, une adoption c’est positif, c’est ce que tous espèrent, ce qui trotte dans leur esprit le soir à l’heure où les lumières s’éteignent. Mais égoïstement, il aimerait que ça ne lui soit jamais arrivé. Ou alors qu’ils les prennent tous les deux. Mais il ne fallait pas rêver. Si elle était lumineuse et charmante, il était terne et renfrogné. Pas le genre d’adolescent que l’on a envie de ramener à la maison. Il ne faisait rien pour et il s’était fait à cette idée. C’est sa présence à elle qui rendait ça moins douloureux. Et tout était sur le point de changer.

Elle veut partir. Maintenant. Ça le fait rire. Un peu amer. Mais ça le fait rire. Il veut que ça. Se casser avec elle et quitter cet endroit. Ils en ont parlé tant de fois. Elle était plus raisonnable, plus mesurée. Non Caelan, on ne peut pas faire ça. S’ils étaient partis avant, peut-être qu’ils n’en seraient pas là. C’est con au fond, qu’elle soit décidée maintenant. Ils sont toujours coincés, malgré tout. Il le sait, s’ils partent maintenant, on finira par les retrouver. Ça ne dure jamais longtemps quand on n’a pas les moyens de se payer un ticket de bus hors de la ville. « Tu veux aller où. » Il dit pourtant d’une voix douce, fixant son regard dans le sien. Il l’emmènerait n’importe où. N’importe où pour pas être séparé d’elle. Pour qu’elle reste avec lui et que la vie continue comme avant. Délicatement, il attrape ses mains, les écartent légèrement sur le côte de son corps. Il ferme les yeux, se concentre un peu. Quand il le réouvre, il la regarde à nouveau. Un coup d’œil en bas pour lui indiquer de baisser le regard. Il les a soulevés de quelques centimètres grâce à l’air qui les entoure, et continue de monter doucement. Il sait qu’il n’a pas les pouvoirs nécessaires encore pour les porter tous les deux. Ca serait surement la solution pourtant. « J’t’emmène où tu veux. » Il dit pourtant, en souriant. Il sait pas trop ce qu’il cherche, ce qui se passe. Mais ils sont là suspendus dans l’air et le temps, dans ce qui sera surement leur dernier instant avant un moment. Alors autant le rendre mémorable. Non ?  

Azariah & Caelan

You're leaving, I'm waiting, forgive me, I'm always missing you before the goodbye. I feel it already, forgive me, I'm always missing you before the goodbye.

Quand ils retoucheront le sol, ça sera la fin. Il le sait et elle le sait également. Ils ont ce moment suspendu. Dans le temps, dans les airs. Mais ils n’auront pas plus avant d’être séparés pour de bon, sans savoir quand ils pourront se retrouver. Déjà il sent ses forces diminuer. Jeune nymphe qui n’apprend réellement à apprivoiser son élément que depuis peu de temps. Il aimerait l’emmener loin, très loin où on ne pourrait pas les retrouver, mais il s’en sait incapable. Alors, les yeux dans les siens, il se contente de se concentrer au maximum, suppliant l’air de lui accorder au moins ça. Tant pis si ce n’est pas le bout du monde. Il réussit à les transporter sur la grosse branche puissante du chêne d’à côté. Quelques mètres en hauteur mais il arrive haletant, prend quelques instants pour retrouver son souffle. « Je crois que je pourrais pas aller plus loin. » Il finit par dire en riant un peu. Ce n’est pas tant la destination qui compte que la personne avec qui il est.

Pendant plusieurs minutes, il ne dit plus rien. Il tient sa main, pour ne pas tomber, pour ne pas la perdre, et il observe cet endroit qui a vu naitre leur relation. Tout est chargé de souvenirs et il y en a trop pour seulement les dire. Alors il ne dit rien. Il n’a jamais été le plus bavard, jamais été de ceux qui savent exprimer leurs sentiments comme il faut. Mais Azariah doit comprendre, elle le connait. Elle sait. Ils restent là un moment, l’un à côté de l’autre. Jusqu’à ce que son nom à elle résonne dans la cour du bâtiment. On l’appelle, et ils savent tous les deux ce que ça veut dire. Il est l’heure. L’heure pour elle de partir. L’heure pour lui de rester. Il soupire un peu, tourne la tête vers elle. « Je crois qu’on y est. » Il marque une pause, sait que c’est le moment où jamais de dire les dernières choses qu’il a sur le cœur. « Je t’écrirai. » Il dit juste. Parce qu’il ne voit que ça pour ne pas perdre complètement le contact. « Et t’as intérêt à répondre. » Il rit un peu, même si c’est forcé, même si le cœur n’y est pas totalement. « C’est d’accord ? » Ne m’oublie pas, c’est d’accord ?