Accept the hand that I extend to you, accept that I am there for you [Golden Twins]

Accept the hand that I extend to you, accept that I am here for you

Golden Twins III

Des erreurs.
Il avait envie de lui dire que tout le monde faisait des erreurs, mais il comprenait sans comprendre que celles d’Allie étaient trop graves. C’étaient le genre d’erreurs qui font qu’on se parle pas pendant dix ans, le genre d’erreurs qui vous obligent à apprendre à penser au singulier alors qu’avant c’était pluriel.
Des erreurs. Il en avait commis tellement qu’il avait parfois l’impression de n’être qu’une gigantesque erreur, un couac dans l’harmonie furieuse qui faisait trembler l’univers. Peut-être qu’il était une erreur, de celle qu’on efface à la gomme. Ou du moins, c’est ce qu’il avait cru, tandis qu’Alaska s’absentait, qu’elle se trouvait dans les coulisses d’une existence où il tremblait.
Pourtant, calé contre sa sœur, à synchroniser des battements de cœur qui s’étaient séparés, Erebos entendit le bruit d’un prénom bien trop familier.
« Mais … »
Maladroitement, il se redressa, sentant ses paupières osciller sous de nouveaux influx nerveux. Les tics revenaient, délicatement, comme des compagnons accessoires qu’il avait eu tort d’oublier.
« Mais on n’a pas perdu Caïn. Qu’est-ce-que tu racontes ? »

Reby, d’une main tremblante encore, passa les doigts dans ses cheveux. Tout semblait n’être que désordre sur la face élevée de son crâne, aussi hirsute que les pensées qui voletaient dans son cœur triste.
« Je l’ai revu, il y a pas longtemps. Il est venu ici, Allie. J’étais si content de le revoir ! Tout ce temps, où on a cru qu’il était mort, eh ben … voilà. Il est venu me voir. J’étais heureux de lui parler. »

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Erebos | Alaska

A la simple mention du prénom de leur cousin, le teint pourtant blond d’Alaska perdit une ou deux teintes encore. De pâle, elle parut devenir livide, à tel point que Reby se demanda s’il n’avait pas absorbé tous le sang du corps de sa sœur sans même avoir voulu le faire exprès.
Quelque part, il avait envie de lui demander si quelque chose n’allait pas mais, s’il était tout à fait honnête, il savait très bien ce qui n’allait pas.
Il savait ce qu’avait fait Caïn, et il avait choisi de croire en lui, de croire et de lui pardonner. Comme il pardonnait à tout le monde, vraiment, qui se donnait la peine de demander. Et même comme il pardonnait à ceux qui ne demandaient pas, puisqu’il accueillait toujours London après que celle-ci lui ai fait environ toutes les crasses possibles qui existaient dans l’univers. Alors, bon. Disons qu’Erebos avait la pardonance facile, voilà tout.
Il faut que je te dise quelque chose, à propos de Caïn.
Le blond eut un léger mouvement. Imperceptible. Mouvement de tête vers la gauche, comme pour chasser une mouche invisible qu’il n’aurait pas su contempler.
Ses tics reprenaient.
Clignement. Clignement. Mouvement de tête. Clignement.
Ils étaient sortis de ce moment où tout leur paraissait possible. Car, tandis que le visage d’Allie devenait de plus en plus pâle, celui de son jumeau, en face, s’assombrissait sans le vouloir.
« Oui, je … »
Mais elle n’en avait pas fini. Elle continuait à accabler leur cher cousin, absent pourtant de leurs prunelles, de mots qu’il ne méritait pas.

Gentiment, gaiement, il reprit.
« Non, je sais. Il m’a raconté, ce qui s’est passé. Avec Papa. Mais Caïn m’a dit qu’il va tout arranger ! » Un sourire éclaira ses traits. « Il a des gens qui l’aident à avoir des pouvoirs, et tout, et il m’a dit qu’il allait faire en sorte de ressusciter Papa. Il s’en veut beaucoup que ça se soit passé comme ça, tu sais. »
Emporté par son élan, Erebos prit les deux mains de sa sœur dans les siennes pour mieux expliquer son propos.
« Je sais ce qu’on dit sur Caïn, mais moi je ne crois pas qu’il ait changé. Il a juste grandi, comme nous. Est-ce-que c’est si grave que ça ? »

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Erebos | Alaska

On n’est plus des enfants.
On n’est plus des enfants, Alaska. Ni Caïn, ni toi. Ni même moi. On n’est plus des enfants avec tout ce qu’on a traversé. La violence. La noirceur. La mort. La guerre qui a tout dévasté, en frappant si fort à la porte qu’il n’a plus resté de poignée pour ouvrir vers des lendemains.
On n’est plus des enfants et c’est bien le problème, au fond. Quand on était enfants, Allie, on courait dans les longs couloirs jusqu’à avoir les poumons vides, on remontait les escaliers en faisant la course jusqu’en haut, on riait à pleurer très fort lors de nos batailles de chatouille, on était libres, on était forts.
On était invincibles, aussi.
Mais l’adolescence venue, les défaites nous ont fait tout réaliser. On a perdu, on a perdu toutes nos batailles, on a perdu nos insouciances et nos illusions d’enfants flous.
On est plus des enfants, on est plus Allie & Reby, on est plus les derniers Stonegold. D’autres innocents grandiront et auront le même sort que nous. Mais nous, on y reviendra pas, on y retournera pas, et la seule chose qui restera c’est ce qu’on est là les uns pour les autres.
Alors si tu es là pour moi, je resterai là pour Caïn, et si ça ne te convient pas, ce ne sera pas mon problème.
On n’est plus des enfants.

Voilà ce qu’il aurait voulu dire, Erebos, face à la rancœur d’Alaska. Mais il n’avait pas la force, pas l’envie, pas la capacité. Et les choses sombres dont elle parlait, il les connaissait autant qu’elle.
Il se rappelait la violence des aveux dits par son cousin. Sur ce même canapé, il s’était effondré, la tête entre les mains, et l’envie jaillit de son cœur de faire pareil devant Allie. S’écrouler. Se replier sur lui-même, laisser la terre tourner sans lui, arpenter les arcanes lunaires de son esprit désincarné. Ne plus sentir son cœur rayer la face intérieure de ses côtes avec les griffes beaucoup trop longues de catastrophes jamais souhaitées.
Il aurait voulu dire des choses, mais le clignement de ses yeux était devenu insurmontable et il dévisageait sa sœur comme si elle était inconnue.
« Tu refuses que … je finisse comme Papa ? »
Une main passée dans les cheveux ; ses tics se faisaient plus violents.
« Mais tu te rends pas compte, Alaska, que c’est justement à cause des dissensions de cette famille que Papa a fini comme ça ?! » Son ton s’élevait lentement. « Que c’est parce qu’on a mis Caïn de côté qu’il y a eu cet accident ?! »
Erebos n’était pas du genre à s’énerver, pas comme ça et pas sur sa sœur. Mais il lui semblait trop injuste que l’on continue à blâmer son cousin de bonne volonté pour des choses qu’il ne voulait pas. Les échos de sa conversation avec Caïn retentissaient dans l’air tremblant ; Erebos serra fort les poings.
« Mais non, tu ne te rends pas compte. Parce que le sombre, comme tu dis, tu connais pas. T’es trop lumineuse. Trop parfaite. La jolie dragonne de niveau trois qui fait la fierté des Stonegold. Tu comprends pas … »
Son ton s’apaisa brusquement, et il fixa d’un air blessé a blonde qu’on lui donnait pour sœur.
« … tu comprendras jamais. »

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Golden twins III

Il n’y avait pas de réelle explication à l’emportement d’Erebos. Certains, certaines, le lecteur sans doute, pourraient y voir tout simplement une volonté scénaristique de repousser encore une fois la réconciliation des jumeaux Stonegold. Ils n’auraient sans doute pas totalement tort, tant il est bien connu que Valh aime faire souffrir ses personnages. Mais non. Non, autre chose se redessinait dans le salon trop bordélique, une tristesse qui avait dormi trop longtemps pour rester une peine, qui était devenue rancœur empoisonnant tous les rapports.
Le sorcier n’était pas assez bien, pas assez bien pour sa grande sœur et pas assez bien pour ce monde. Cette certitude, acquise à l’adolescence, semblait revenir l’étouffer avec la force de sa rage. Il n’était pas assez bien pour les Stonegold ; il était assez pour Caïn.
Alors peut-être qu’il n’avait pas envie de voir, pas envie de le vouloir, peut-être que ça lui allait bien de demeurer loin d’Alaska, parce qu’avec sa lumière si pleine elle ne faisait que l’éblouir, lui envoyant dans les prunelles un trop grand afflux de lumière que sa persistance rétinienne ne puisse jamais s’y adapter.
Il se dégagea du contact de sa sœur, sans réellement percevoir si c’était leur séparation qui lui déchirait la poitrine ou le fait de se rendre compte que celle-ci survenait trop tard. Que le silence qu’ils observaient depuis bien trop d’années déjà était finalement justifié, parce qu’ils avaient été jumeaux mais que, maintenant, il était seul.
Clignement. Clignement. Mouvement de tête. Clignement.

« Alaska, j’aimerais que tu partes de chez moi. »
Sa voix lui parut désincarnée, rauque, inhabituelle ; comme si elle avait appartenu à un autre être vivant que lui. La pièce se déforma doucement sous l’effet d’un poison nouveau qu’Erebos ne distinguait pas ; il y avait bien dix ou quinze ans qu’il était dans son organisme.
D’une démarche mal assurée, le blond traîna jusqu’à la porte, et sans un regard pour sa sœur il fit pivoter le battant.
Qu’elle parte et emporte avec elle ce qu’il aurait pu rester d’eux. Il aurait bien voulu y croire, s’il n’avait pas cligné des yeux.

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