Life is a book where the pages turn and tear [ PV Ambrose ]

Je me dis que sa réponse est évasive.

Je hausse les épaules. Certainement qu’elle avait pas envie de me faire peur. Ou qu’au contraire, elle tentait de me faire fuir, à tout prix. Alors, je hausserai les épaules, avec un air un peu insolent et un peu naïf à chaque fois. J’avais l’espoir tapissé sur la gueule, et la certitude d’être dans la raison en m’engageant là dedans.

Je pourrais avoir peur. D’ailleurs, j’avais sûrement un peu de peur en moi quand elle me dit qu’on tombe sur des gens plus forts. Je sais que moi, la plupart des autres étaient plus forts. Le monde est relativement injuste, et c’était notre mission, fusils sur l’épaule et couteaux aux coeurs, de protéger. Policier de bas étage, j’y croyais, à tout ça. Si elle, elle avait pu finir comme l’autre type, alors je m’habituerais. J’étais déjà devenu résistant à la douleur, avec le temps, et c’était qu’un amas de signaux envoyé à notre cerveau. Je préférais imaginer des canaux nerveux bloqués pour supporter, plutôt que geindre chez un groupe que j’admirais. Je souhaitais leur appartenir, faire parti de la meute, moi aussi. Je hoche la tête à répétition, parce que son histoire est terrible.

« J’arrive à te supporter parce que t’as du chocolat chaud et des marshmallows. T'imagines rien. »

J’ai l’air sérieux quand je dis ça, puis je rigole un peu. C’est faux. Je préférais avoir des alliés ici, des gens sur qui compter. Même si Erin était petite, même si Erin était jeune, même si Erin tirait la gueule, elle semblait être de ces personnes résolument humaines, fragiles, pleine de failles. C’était rassurant. A une époque où des mots étranges étaient utilisés dans la science et dans le monde, j’appréciais voir des touches de révolte contre tout et envers tout le monde.

« Par contre, ça remplit rien, ces trucs. » J’avais juste du sucre sur les dents. « Tu me montres la cantine ? Je mange avec toi. »

Je m’impose, parce qu’on lâche pas ses alliés dans une nouvelle meute. J’étais un petit louveteau avec crocs pétés, qui espérait qu’une drôle de fissure dentaire pourrait blesser un jour. J’espère qu’elle soit pas dérangée. Mais Erin, elle a l’air de chercher ça, le contact humain, aussi. Les murs sont gris, les portes rouges, et je suis une tâche orange, un peu naïve, un peu conne, au milieu d’un monde bicolore.

Alors, calmement, prudemment, je la suis, la faim dans le ventre, et l’espoir dans le coeur. J’arriverais, à faire de ce monde un bordel vivant. J’arriverais, à ignorer 2013 et à créer quelque chose de meilleur. J’imagine tout ce que j’apprendrais ici.
Je doute pas encore de tout ce que j’y perdrais.