Don't forget the past, but think about the future | Alaska Jude

Le chapeau dans ses mains sembler peser lourd, malgré sa légèreté réelle. Jude regarda autour d’elle, à la recherche d’un endroit où le poser, mais elle en conclu que ce trésor de son enfance serait probablement mieux chez elle plutôt qu’ici. Alors, aussi délicatement que si elle tenait un poussin, elle posa la relique sur son bureau de verre, sans plus un regard vers le carton. D’ailleurs elle haussa les épaules aux paroles de la blonde. Elle tenait assez souvent ses propos pour savoir qu’elle n’irait pas chercher à savoir ce que cette boite contenait.


Et il signifiait tant. Il était la seule relique que Jude voulait garder. Elle n’était pas très matérialiste. À part sa collection de motos authentiques toutes exposées sur le mur derrière elle, elle ne possédait pas grand-chose chez elle. Quelques livres, deux ou trois souvenirs, mais on ne pourrait pas dire qu’elle avait une vie d’objet accumulés. A la deuxième remarque de la blonde, Jude se retourne enfin vers elle. Ses yeux ont dégonflé, ses joues ont séchés, et seule elle à présent sent le petit tracé salé qui y demeure.


Il était  clair que ses plans avaient été bousculés par la venue de la blonde. Mais Jude n’allait pas lui en vouloir d’être venue. Elle ignorait d’ailleurs même d’où elle venait, et tout le trajet qu’elle avait dû faire pour arriver jusqu’ici lui faire part de la mort de son frère. Elle n’allait pas lui demander de partir alors qu’il pleuvait toujours à torrent.


Parce qu’elle était comme ça Jude, même en voulant paraitre impassible, elle prenait toujours soin des autres. Elle ne pouvait pas vraiment s’en empêcher, mais elle était comme ça. Elle se racla la gorge, allant se préparer un autre café. Elle revint dans la salle de vente pour voir Alaska debout, le carton dans les bras. Jude secoua la tête, la fixant.


Elle ne voulut pas paraitre brusque. Pour autant elle n’avait pas passé 60 ans de sa vie à s’isoler pour tout foutre en l’air au nom d’un frère qu’elle avait si peu connu. Elle ne pouvait pas bousculer à ce point cette habitude. Et puis elle ferait tache dans cette grande famille, elle en était sûre. Que pourraient ils bien faire avec elle, la petite mécano du coin ?

Elle ne le montra pas tant, mais au fond elle était quand même touchée par la proposition de la blonde. Il était rare qu’on lui accorde une considération différente de celle de la garagiste salvatrice qui serait la seule capable de réparer la panne d’une voiture négligée.  Si son frère ne s’était pas attaché à une grande famille de dragon, peut être qu’elle aurait accepté la proposition… Pour une fois. Connaitre une famille, une vraie.


Un peu d’humour dans cette journée sombre… Du Jude tout craché.

Dans un autre contexte, Jude aurait pu rire de ces étoiles qui brillaient dans les yeux de cette enfant. Elle voyait en elle une soif d’apprendre réelle, mais ne posa aucune question. Fut un temps où la dragonne formait des apprentis, peut être qu’elle pourrait en reprendre un… cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus enseigné son savoir, et il fallait  dire que les journées seule ici pouvaient être longues.

Sans un mot, la jeune fille se leva pour se diriger vers l’atelier, et sans mot toujours, Jude la suivit, se demandant si Alaska avait quelque chose en tête, où si elle mettait simplement en application cette soif d’exploration que Jude avait vu dans son regard. Elle saisit un piston de compression que Jude avait mis sur l’étagère en prévision d’une future réparation, l’observant attentivement, la tournant et la retournant comme pour la scanner mentalement, avant de la reposer sur la planche en bois vieillie. Elle aurait pu s’en douter, mais Jude ne vit pas la question venir. Elle prit une grande respiration pour y répondre.


Elle se rapprocha de la pièce qu’Alaska avait saisie.


La pièce toujours en main, elle fit lentement le tour de la voiture qu’elle aurait du réparer aujourd’hui.


En y repensant, il était assez ahurissant de voir à quel point ce pouvoir avait déteint sur sa personnalité. Jude, la voiture dépassée, arriva à hauteur du deuxième pont levant, libre. Elle poursuivit.


Qu’elle le veuille ou non, Alaska était liée à sa famille à présent , d’une manière ou d’une autre. Elle ignorait à quel point Joshua avait développé ce point avec sa filleule, mais Jude lui devait bien ça. Et à présent, elle ne pouvait plus cacher son propre pouvoir. Elle se rapprocha de l’étagère du mur opposé, où elle gardait les pièces vieilles, abîmées, qu’elle avait encore l’espoir de réparer.


Ce n’était pas pour rien qu’elle était sans aucun doute la meilleure mécano du pays. Partout ailleurs des voitures étaient envoyées à la casse là où Jude pouvait voir ce qui n’allait pas, et doucement, remettre ce qu’il fallait à sa place. Elle se souvenait de presque tous les moteurs récalcitrants qu’elle avait soigné. Elle se souvenait aussi de ce châssis tordu qu’on avait voué à être compressé, et qu’elle avait remis à sa place sans problème. C’était un pouvoir difficile à expliquer, autant qu’il était difficile à comprendre. Le métal en soit n’était pas quelque chose de vivant, il n’avait ni âme ni conscience, mais comme toute chose sur terre, il avait des souvenirs. Il pouvait être rongé par des maladies, par des problèmes. Jude les sentait, les voyait, les soignait. Elle mit en évidence le piston que Alaska avait touché plus tôt.


Elle le fourra dans une poche de son jean et dans l’étagère, saisi un piston identique, si ce n’était qu’il avait vingt ans de plus.


Elle n’avait pas précisé qu’elle n’avait rien trouvé d’autre que le moteur ce jour-là, était-ce nécessaire ? Pas vraiment. Elle montra du doigt la voiture entreposée de l’autre côté.


Elle se rapprocha du capot vert militaire pour poser sa main dessus.


Sans lever la main de la machine, elle pouvait sentir le ronronnement silencieux du métal sous sa paume. La voiture était éteinte, elle n’avait pas tourné depuis trois jours. Mais Jude le sentait. Son propriétaire n’en prenait pas aussi soin qu’on prenait soin d’une voiture de collection. C’était courant pour les voitures d’usage normal. Elle haussa les épaules et remis les pistons à leur place.


Et Jude n’avait jamais réellement pensé à s’entrainer pour le perfectionner. Elle n’avait pas un pouvoir des plus extraordinaires, ni des plus puissants. Ce niveau ne lui avait jamais fait défaut jusqu’à aujourd’hui. Pour son activité, c’était bien suffisant. Quant à son dragon… Elle ne pourrait pas mieux l’expliquer. Elle coula un regard vers la blonde.


Jude avait expliqué son pouvoir de long en large, à une jeune fille qu’elle ne connaissait pas une heure plus tôt et dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Si Joshua avait suivi les traces de leurs parents, il n’aurait pas pris sous son aile n’importe quelle enfant. Elle était curieuse de savoir à quel points les parents avaient déteints ou non sur leur fils.

Jude haussa les sourcils face à l’enthousiasme soudain de la jeune fille. Elle ne trouvait pas son pouvoir si exceptionnel que ça. Ho elle l’adorait, là n’était pas la question, et il lui était bien utile dans son métier, mais il n’avait rien d’incroyable… Mais ce fut la réponse de Alaska qui étonna encore plus la garagiste, qui l’écouta, abasourdie.


Elle trouvait la situation ironique, et dans d’autres circonstances elle en aurait ris. À vrai dire, Jude ignorait si son pouvoir fonctionnait sur le mercure. Pour le moment, tous les métaux qu’elle avait pu écouter s’étaient montrés plus ou moins communicatifs. Mais ça n’était pas tous les jours qu’on pouvait entrer en contact avec du mercure, et Jude étant obligée de toucher le métal pour le comprendre, elle ne comptait pas risquer sa santé pour une simple expérience. Un jour peut être… Quand on aura trouvé le moyen d’éviter l’intoxication complète de l’organisme. La dragonne hocha la tête d’un air compréhensif. C’était un pouvoir dangereux, elle pouvait comprendre les difficultés à le maitriser, et une pointe de fierté naquit en elle en apprenant que son petit frère, dont elle gardait à jamais l’image si petite, si jeune, les joues encore rondes de l’enfance, ce petit être de lumière, avait pu à ce point aider cette jeune fille.

La proposition de la blonde surprit Jude, qui la regarda un instant sans savoir quoi dire. Finalement, elle gratta l’arrière de sa tête, gênée.


Nan, elle se tut avant la fin de sa phrase. Jude allait définitivement pas demander à Alaska STONEGOLD (quand même !) de l’aider à faire sa paperasse. Mais Elle avait une phrase à terminer et sentait que la jeune Stonegold ne la laisserait pas s’en tirer comme ça… Jude déglutit. Elle avait si rarement bossé avec quelqu’un ces dernières années. Elle avait si rarement entretenu une conversation qui n’était pas centrée sur le taf… à vrai dire c’était la première fois depuis très longtemps. Une puce à l’oreille lui disait qu’il valait mieux ne pas jeter ce possible contact avec Alaska à la poubelle. La jeune fille avait bravé la tempête et la pluie pour venir la voir. Elle devait bien ça à la filleule de son frère.


Elle gardait encore un assez mauvais souvenir de la camaro vert pomme à la sellerie couleur prune qu’elle avait mis des plombes à vendre tant elle était moche. Ouais, Jude avait arrêté de tenter des folies en matière d’esthétique après cette cuisante expérience. Du coup, elle s’était contentée du classique, des couleurs rétros, qui correspondaient plus aux modèles d’origines. C’était sympa, comme un vent de nostalgie, mais ça pouvait vite se montrer redondant ou ennuyeux.


Finit-elle par demander à Alaska. Un regard neuf pourrait sans doute faire du bien aux compétences stylistiques de Jude, après tout. Et puis, cela mettrait sans doute  fin à des dizaines d’année de solitude… c’était peut être pas plus mal.

Concentrée sur la proposition qu’elle avait fait à Alaska, Jude ne remarqua pas l’attention que la jeune blonde portait à la réponse. Cela lui aurait presque réchauffé le cœur de voir quelqu’un de si curieux et gentil à la fois. Pour autant, s’il y avait bien une chose à laquelle Jude ne s’était pas attendue, c’était au calin qu’Alaska s’empressa de lui donner dès qu’elle eut une réponse.

Surprise autant que décontenancée, Jude se tendit au contact, les bras refusant d’entourer Alaska comme cette dernière le faisait autour de Jude. Après quelques secondes, un fin sourire étira les lèvres de la dragonne et elle pu ordonner à son bras droit de venir, un peu maladroitement, tapoter le dos de la jeune dragonne.  Quand était la dernière fois que Jude avait étreint quelqu’un ?

Un nouvel enthousiasme s’était affiché sur le visage de la Stonegold et pendant un instant, Jude eut peur d’avoir réveillé quelque chose qui aurait probablement dû rester endormi. Cependant, face au visage si éclairé de la blonde, elle ne pu que balayer mentalement sa crainte. Le sourire contagieux d’Alaska fit s’étirer les lèvres de Jude un peu plus.


Et Jude invita Alaska à la suivre, traversant l’espace de vente pour rejoindre l’arrière cuisine et sortir par la porte de derrière, avant de longer les piles de pneu et de carcasses pour rejoindre le vieux hangar au bout du terrain.  Elle ouvrit sans aucune difficulté cette fois, la lourde porte en bois, puis rentrant dans le bâtiment, tapota la forme de sa voiture sous son draps. Depuis le temps elle y avait déjà installé les pièces que lui avait apporté Rogus, il ne manquait plus que la sellerie, la peinture et quelques réparations au moteur avant de finir le plus chiant : la connectique.

Finalement, elle tira sur le draps pour révéler la carrosserie brut de la vieille coccinelle avant de la tapoter comme une mère attendrie.


Elle grimaçait en même temps qu’elle imaginait le truc. A vrai dire elle trainait sur le projet rien que parce qu’elle n’arrivait pas à lui trouver la bonne couleur. Elle coula son regard vers Alaska, l’invitant un peu plus à rentrer, et reculant de la bête pour que la jeune fille puisse se faire son avis.