le feu & le sangit’s the moment of truth and the moment to lie

La pièce est remplie de tension. L’air, électrique, me renvoie de petits signaux joueurs, et je me réjouis une fois de plus d’à nouveau sentir sa présence.
Je ne saurais dire combien de temps nous restons à attendre, le système nerveux en alerte, avant qu’Azur ne donne le change et nous annonce que l’invité dont nous attendions l’arrivée s’est enfin présenté à nous. Juste à l’extérieur de la baie vitrée, le vent du soir effleure sa peau. D’un regard à la ronde, j’interroge mes camarades de la soirée.
C’est finalement Carthage qui prend la parole, d’un ton si glacé que les flammes de tous les Lightstorm ne suffiraient pas à l’entamer. Sa proposition est simple, calme, et sa voix sans appel. Je ne peux m’empêcher de me reconnaître en cette femme. Quitter sa famille, traverser le pays, combattre pour ses valeurs, enfin assumer la personne qu’elle aime. Ce sont des étapes qu’elle a passées, tandis que j’ai mangé en plein visage les écueils qu’elles peuvent présenter.
Lorsque les documents imprimés s’élancent dans l’air, je prends le relais pour qu’elles atteignent les pieds du zouwu.

Recherchant l’approbation de l’équipe, je finis par prendre la parole à mon tour. De ma main demeurée libre, je découvre mon visage ; il est de toute façon placardé dans tous les commissariats du pays.
« Robin. »
Nous nous sommes déjà croisés, du temps du Conseil de la Nuit. Du temps où l’espoir était mon moteur principal, où j’avais réellement foi dans un système qui nous a trahis. Il me connaît, je le connais, et nous nous appréciions je crois.
« Tu ne serais pas venu, si nous avions procédé autrement, n’est-ce pas. » Je lance avec un sourire triste. « Tu aurais estimé qu’un groupuscule aussi radical que le notre ne nécessitait pas que tu prennes des risques, pas alors que tous tes faits et gestes sont déjà surveillés de près à cause de ta nature. »
La seringue, dans ma main, semble trop lourd pour notre propre bien.
« Nous ne sommes pas des radicaux, Robin. Nous sommes la voix de celles et ceux qui ont été enfermés contre leur gré, sur qui Kane a fait des expérimentations, qui ont péri sous le scalpel de scientifiques qu’elle avaient embauchés. La voix de celles et ceux qui, chaque jour, sont envoyés à Blackwater parce qu’ils n’ont pas voulu, ou peut-être pas pu, se recenser. A qui on donne le sérum sans sommation, et qui sentent leur identité se dissoudre par la chimie. » Je songe à tous ces nymphes, ailleurs, qui doivent devenir aussi fous que moi. « Tu te dis que nous ne cherchons qu’à détruire ; c’est faux. Ce que nous voulons, c’est construire des institutions qui reconnaissent ce que nous sommes, qui nous sommes, au lieu de nous étiqueter sans prendre le temps de nous comprendre. »
Je marque une pause, avec un regard pour Atlas. S’il ne m’avait pas reconnu jusqu’ici, c’est chose faite désormais. L’envie de hausser les épaules me prend, fatalsite.
« Et on ne peut pas faire ça sans toi, Robin. Nous avons besoin de toi, de ton influence, de ta position, des ressources dont tu disposes. Il n’y a que toi qui le puisse. Alors j’en appelle à ce qu’il y a de plus profond, de plus viscéral en toi-même. Tu sais que la politique de Kane est injuste. Le jour où vous parviendrez à adopter, as-tu envie que tes enfants grandissent dans ce climat ? Que leur diras-tu quand ils verront leurs meilleurs amis se faire arrêter ? Pourras-tu supporter de les regarder dans les yeux, leur dire que tu avais le pouvoir d’y changer quelque chose, et que tu n’as rien fait ? Et pour quoi ? Par peur ? Tu vaux mieux que ça, Robin. »
Mon ton s’embrase, et ma cage thoracique aussi. Je plante mon regard dans celui du Ministre.
« Il n’y a pas d’options. Il n’y a qu’une voie. Et c’est la notre. »
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