I had a dream I got everything I wanted ♦ odalie & alaric iii

Un appel du pied aussi littéral que figuré.
Quelle meilleure occasion pour poser ce genre de question que confortablement installée dans le confort de son propre costume. Étrangement, plus sa peau était dénudée et plus elle se sentait protégée, car on ne fouillait pas les yeux de celles dont on fixait le corps. Car la réponse de son ami l’intéressait un petit peu trop pour qu’elle ne puisse se voiler la face.
Bien sûr, qu’elle se demandait ce qu’il cherchait, ce qu’il attendait, ce grand nigaud au cœur d’or. S’il se complaisait dans cette vie parce qu’elle lui correspondait vraiment ou s’il était trop terrifié pour espérer quelque chose d’autre. Qu’est-ce qu’il lui faudrait, au blond, pour décider de jeter l’ancre ? De qui devrait-elle se méfier, qui pourrait le lui arracher, le ranger dans une case parfaite où la brune ne l’atteindrait plus ?
Le comédien là en face d’elle tenta une élégante esquive qui lui tira un signe de tête.
« Je vois. »

Les lèvres habilement dissimulées derrière son verre de champagne, elle laissa aller un sourire sincère sur ses lèvres. De ce genre qu’elle retenait sans cesse, sauf en présence de ses amis. Elle ne cherchait pas particulièrement à se faire bien voir, n’avait même jamais tenté. Ses premiers rencards, quels qu’ils soient, avaient été à son image : sensuels et brusques à la fois, comme une flamme dévorant sans cesse ce qu’elle désirait en ce monde.
Faisant mine de réfléchir, la sirène entortilla une mèche de cheveux entre ses doigts fins.
« Hum. Difficile à dire. » Que dirait une romantique invétérée face à ce genre de questionnements. « J’imagine que je saurai ce que je cherche, qui je cherche, une fois que je l’aurai trouvé. »
Puis, dans un clin d’œil et pressant doucement ses orteils contre la cheville d’Alaric, elle conclut.
« A moins que je ne l’aie déjà trouvé. »

TW : horny

L’envie pressante d’être embrassée, embrasée et toute entière prise. Tandis que l’autre la poussait contre le métal de l’ascenseur, Odalie ne pouvait que sourire contre leurs lèvres qui refusaient de se délier. Il avait le goût du rhum arrangé qu’ils avaient partagé quelques minutes plus tôt et de la certitude imparable qu’il passerait la nuit avec elle. Comme un fou perdu dans le désert qui trouve enfin son oasis, il semblait vénérer son corps à grands coups de caresses et de baisers. La sirène, comme ondulante contre sa peau, la jupe déjà presque soulevée et le crop top inexistant, répondait à la violence de ce désir de toute la force qu’elle pouvait.
Elle se repaissait d’être voulue, d’être un objet de convoitise au point qu’elle en devenait le sujet. Le programme de la fin de soirée n’avait plus rien de mystérieux : Marisol n’était pas là, Alaric rentrerait sans doute tard, peut-être avec sa propre conquête qu’Odalie prendrait grand plaisir à torturer au petite déjeuner. L’appartement était à eux, à eux seuls, et la brune se trouvait vorace de profiter de chaque instant.

Leur trajet était volatil, ponctués de vagues sensations qui ne l’atteignaient presque plus. Le bruit des clés dans la serrure. Le froissement feutré d’une chemise sur le sol de l’appartement. La rudesse du papier peint contre ses omoplates dénudées alors qu’elle se laissait plaquer au mur. La fraîcheur du carrelage, à travers ses collants. La trajectoire tâtonnante, incapable de s’interrompre dans leurs enlacements salivaires. Une seule destination : la chambre.
Sans même allumer la lumière, leurs pas désordonnés prirent la direction du lit.
Un autre soir, elle aurait capté ce qui clochait, cette présence si singulière qui changeait l’atmosphère du lieu. Elle aurait vu son violoncelle légèrement plus incliné, les draps qui se soulevaient au rythme d’une respiration déjà paisible. Mais, toute à cet instant qu’elle cueillait, Odalie ne vit rien venir.

En poussant sa conquête sur le lit, un grognement étouffé se fit entendre, suivi du cri un peu trop aigu de l’homme qu’elle comptait bien charmer.
« What the fuck, Odalie? »
Et la lumière qui s’allumait, le visage qui se dévoilait sous ses yeux grondants de l'orage qui allait s'abattre sur lui.
« Bach ?! »

TW : mention d'érection, insultes

Les dents serrées, elle résista à l’envie de hurler tant que son invité était là.
Tous les signes concordaient : l’air mal réveillé d’Alaric et l’odeur brute du THC qui lui éraflait les narines. Une soirée. C’était tout ce dont elle avait besoin. Une soirée, pour vivre sa vie comme elle l’entendait, elle qui s’était juchée depuis des semaines à son chevet dans une candeur presque maternelle. Une soirée pour être elle, la vraie elle, pas cette espèce de casanière qui préférait passer son temps blottie à partager un plaid à bras avec Alaric devant un marathon Marvel. Même ça, elle n’y avait pas droit ?
A travers les brumes de l’ivresse, la présence de cet homme perdu qu’elle aimait plus que tout au monde prenait des airs de licol passé à son cou, des barreaux de sa cage dorée. Le venin montait à sa gorge et une part d’elle voulait le cracher.
Prenant sur elle pour produire un sourire forcé, elle se tourna vers l’inconnu du soir.
« Je suis désolée, je … »
« T’es désolée. T’es DÉSOLÉE ?! Mais lequel de vous va m’expliquer ce qui se passe, là ?! Y a déjà un mec à poil dans ton lit, c’est quoi ce délire ? Tu voulais, genre, un plan à trois ? »
Les narines de la sirène frémirent de l’idiotie de l’invité. Le moment était passé, le désir enfui et elle se sentait désormais un petit peu trop désarmée pour affronter la situation.
« Wolfgang, c’est pas ce que tu crois, c’est mon coloc et … »
« Ton COLOC ?! » Un éclat de rire cynique creva l’air. « Et tu te fous de ma gueule, en plus ? »
Sentant qu’elle perdait patience, la brune demanda.
« Est-ce-que tu pourrais nous laisser, s’il te pl… »
« Mais c’est quoi ton plan en fait ? Genre, comme ça, tu vas me mettre dehors avec ma gaule et… »
Difficile de dire si c’était le mot gaule ou bien le ridicule de la situation toute entière : Odalie arrivait à court de patience. Elle qui n’en avait déjà pas beaucoup avait tout donné pour l’idiot, mais il n’en valait pas la peine. Son pouvoir résonna comme une claque suivie d’un trop profond silence.
« Sors de chez moi. »
Les yeux vitreux, l’allemand si prompt à s’emporter se releva comme un automate. Il quitta la pièce, puis l’appartement dans un bruit de porte qui claque. Il avait certainement laissé sa chemise sur le parquet, mais tant pis ; ce n’était pas ce qui importait.

Ce qui importait, c’était le fiel derrière les paroles d’Alaric, les reproches qu’il ne prenait même pas la peine de dissimuler. Elle était loin, la sérénité amicale qu’elle avait éprouvée près de lui au Bayona cinq jours avant. Désormais, son lit n’abritait qu’un hibou hirsute et malpoli qui venait de ruiner sa soirée.
Une partie d’elle avait envie de s’asseoir, de comprendre ce qui se passait, de poser enfin les questions qui lui permettraient de se confier. Tristement, cette partie-là était étouffée par l’alcool, la tension des dernières semaines et l’agacement qui menaçait d’engloutir les digues d’Odalie.
« Et toi. » persiffla-t-elle. « On peut savoir quel est ton problème ? Qu’est-ce qui te prend, de recommencer à prendre tes trucs alors que t’as vu comment ça a fini la dernière fois ? Tu cherches à faire quoi, en fait ? Faire pitié ? Bravo, Alaric, très bien réussi, ça marche. »
Son sarcasme à même le visage, la sirène eut quelques applaudissements ironiques, tâchant de ravaler l’humiliation qu’il venait de lui infliger. Tout, chaque minuscule petit élément de détail semblait apporter un peu plus d’eau à la colère qui la prenait. Le zouwu devait la ressentir : elle s’en foutait. Il n’essaierait pas de la calmer, il n’en avait pas le droit et il le lui avait promis. S’il n’était pas capable de saisir que ce qui se passait avait de l’importance, alors ça devenait son problème et ça cessait d’être le sien.
« Et c’est quoi, ta crise de jalousie de merde ? T’es pas le dernier pour coucher à droite à gauche, si je puis me permettre. Je me rappelle même d’une fois ou deux où on t’a laissé l’appart pour la soirée alors que tu prévenais cinq minutes avant. Alors, quoi ?! » Elle ne criait même pas, la brune. Au contraire, son ton était glacé, glaçant, et se frayait doucement une route à travers sa propre rancœur. « Tout d’un coup, ça devient un problème, et les mecs que je ramène sont ‘des versions bons marchés de toi’ ? Mais tu t’entends, lustmolch ? Et puis quoi, après, tu vas me dire que je devrais me réserver rien que pour toi et notre sacro-sainte baise ? »
D’un geste rageur, elle se dirigea vers l’armoire pour enfiler un pull trop grand dont elle n’était plus vraiment sûre de savoir le propriétaire, tellement ils le portaient tous deux jusqu’à parfois s’y disputer.
« T’es vraiment un sale con, parfois. »

Une autre fois, elle aurait pouffé face à la vision de ce hibou blond hirsute et son vilain caleçon éléphant qui émergeait du lit défait en grommelant comme un sale gosse. Seulement, la violence emplissait sa cage thoracique en laissant de moins en moins de place : Odalie ne dardait sur son meilleur ami que des prunelles teintées de rage.
« Le lit où je sais que tu dors ? » Le ricanement qui éclot sur ses lèvres n’avait plus rien de bienveillant. « Non, Bach. C’est ma chambre, c’est mon appart, et t’as de la chance que mon canapé soit confortable. »

Elle aurait aimé être une meilleure personne, être capable de déceler sous sa colère et son angoisse le malaise qui prenait le blond. Sa patience avait été entamée, piétinée, et à l’heure d’arriver en caisse il ne restait plus qu’à payer. Rendue mauvaise par la rancœur accumulée ces derniers temps, la frustration de s’être vue prendre une soirée agréable sous le nez et les trois grammes par litre de sang qu’elle avait remplis de tequila, la sirène se planta face au zouwu comme s’il ne la dépassait pas d’une tête.
« C’est quand même dingue qu’il faille que tu sois défoncé pour être enfin un peu sincère. » Car il relevait plus volontiers les reproches sur sa jalousie que sur l’espace qu’il envahissait ; la nuance n’échappait pas à la sirène. « Tu penses que t’es le seul allemand digne d’intérêt, le seul mec digne d’une soirée avec moi, le seul à pouvoir utiliser ce lit ? Devine quoi, Alaric : LE MONDE NE TOURNE PAS AUTOUR DE TOI. »
Les derniers mots avaient été martelés, le doigt de la sirène planté au milieu du plexus de l’autre pour le pousser dans ses retranchements à défaut de le pousser à terre.
« Et si tes conditions de logement actuelles te plaisent pas, mon gars, t’as qu’à aller faire tes concours de teub ailleurs. »

Bonne idée, ouais.
La sidération prit le dessus, entremêlée à sa colère. Les yeux béants de sa détresse, Odalie regarda Bachmann se saisir du tas de vêtements qui gisait sur le parquet brun, récupérer les quelques trucs pour lesquels Odalie avait laissé de la place dans le placard. En retirant une pile de t-shirts propres, il révéla une photo de lui, torse nu, scotchée au mur derrière les étagères.
Ce qui d’ordinaire l’amusait lui mit un uppercut sous les côtes, en plein milieu de son diaphragme, jusqu’à l’empêcher de respirer. Le monde carmin devenait violet, se teintait d’une mélancolie qu’elle ne savait pas exprimer à mesure que la rage tombait en billes éparses sur le parquet dans un boucan de tout les diables qui l’empêchait de se calmer.
« L’empathie, c’est pas censé être ton rayon, dis moi ? Tu peux pas comprendre que c’est désagréable de plus pouvoir faire ce qu’on veut chez soi ? »

Revenant à l’assaut, la sirène n’envisageait pas une seconde qu’il pu réellement partir. Il ne va pas le faire, hurlait la voix au fond de son crâne. Il tenait trop à elle, et elle à lui ; leur amitié était un fait que tous deux pouvaient voir acquis. S’il partait, il n’avait nulle part où dormir, en plus. Alors qu’il fasse mine de faire sa valise, s’il avait envie, qu’il aille faire trois aller-retours jusqu’au parc en bas de la rue et, ensuite, il allait revenir.
Le temps qu’ils soient calmés tous les deux.

Lorsque la porte claqua, Odalie ne sortit pas dans la rue, pas même dans la cage d’escalier. Non. Elle fit le tour de l’appartement pour le nettoyer de fond en comble, évacuer la colère et la frustration que, si elle était tout à fait honnête, elle s’en voulait de ressentir. Le souci étant que l’honnêteté n’était pas exactement sa marque de fabrique : ni envers les autres, ni encore moins envers elle-même.
Alors, assise sur le canapé, elle avait attendu des heures le retour enfin du zouwu. La colère avait reflué et l’inquiétude avait grimpé mais, trop fière pour être celle qui ferait le premier pas, elle avait préféré fixer l’écran vide de son téléphone. Un moment, elle avait sorti son violoncelle pour se révéler incapable d’y soutirer la moindre note. Avec la redescente de l’alcool ne demeurait qu’un état triste, mou et plein d’incompréhensions, à repasser le film en boucle pour tâcher de comprendre un peu comment ils en étaient venus là. Le cœur tordu par le prisme sombre de la dispute qu’ils venaient de vivre, elle essayait de se convaincre qu’il ne fallait pas qu’elle s’endorme pour lui ouvrir lorsqu’il reviendrait. Finalement, la brune arriva à la conclusion qu’elle n’avait tout bonnement rien fait de mal et qu’il n’aurait qu’à s’excuser lorsqu’il s’en rendrait compte lui aussi.

Le lendemain matin, en rentrant, Marisol l’avait retrouvée endormie sur le canapé, visage enfoui dans le coussin qui servait à Bach d’oreiller.