TW : pensées et actes auto-destructeurs, crise de panique
Je me sens sale.
Je me sens atrocement sale, et je pourrai prendre des douches à quarante degrés pendant des semaines entières jusqu’à que ma peau rougisse autant que ma face gênée et confuse. Je me sens atrocement sale, quand mon téléphone s’allume et que les petites diodes m’éclatent la vue. Je plisse les yeux.
Premier septembre 2019.
Je me souviens que je me rappelle plutôt du deux septembre 2019, parce que j’avais eu un bracelet tout blanc le lendemain avec écrit mon prénom, nom de famille, date de naissance et date d’hospitalisation.
J’ai pas de souvenirs du premier septembre, alors que c’était quelque chose de premier, comme nos nombres, comme notre place dans nos mondes. L’idée de me souvenir des seconds m’agace, et j’ai la nausée. J’ai la gerbe, quand je repense à mon rêve, et j’ai pas réellement envie d’entendre la vérité.
« … C’était un appel de poche, ça arrive. » Mon ton tremble, et j’ai des gerbes de cactus dans la gorge. « Je veux dire … C’est clairement possible. T’es dans mes numéros favoris et … Il y a peut-être des … Des mélanges de touches et … Enfin. »
Et, enfin, parce que j’ai envie de lui dire des choses pires.
J’y crois pas.
J’y crois pas, à ses appels manqués. J’ai pas réellement envie d’y croire parce que c’est nul, comme réel. C’était donc ça, notre vérité ? Une ruelle pleine de pisse, avec ma gueule éclatée, et elle qui s’était levée tard pour m’emmener dans une ambulance où elle a pas pu rentrer ? C’était pas, putain, de possible. J’ai mon cerveau qui grésille.
Je me sens sale, parce que je suis salaud dans cette histoire. J’aurai pu me demander qui avait appelé, mais les joggeurs ont souvent des syndromes du saveur. Je m’étais jamais posé la question, avant. On appelait quand on voyait des personnes qui avaient besoin d’aide. Si j’avais toujours la peur d’être intégré dans des mafias douteuses en faisant ça, il y a des personnes courageuses dans son monde. Ma lâcheté en bandoulière autour de ma panique, j’ai le myocarde qui s’accélère dans des tangos tristes. Volver, je reviendrai, mais j’ai même pas pu tenir des promesses nulles.
Je me sens sale, et j’espère ne pas en avoir formulé, ce soir. Ce serait horrible.
« … Mais ça a aucun sens ? »
J’ai envie d’hurler contre les étoiles, de hurler contre le monde, de le dévorer, de le crasher contre un mur où il coulerait d’encre noire. J’ai envie de m’arracher les lèvres, pendant que les siennes se sont posées sur les miennes. J’ai envie de les porter en collier, en étendard, mais d’avoir plus jamais le droit d’action et à la parole. Elle pourrait me séquestrer, devenir une tutelle, j’aurai les poignets levés pour l’accepter avec un grand sourire vide de tout pore.
« C’est. Pas. Putain. De. Possible. »
J’ai envie d’hurler, et les cactus au fond de ma gorge viennent me détruire le palais. Je suis à deux doigts de détruire les fondations de notre cabane, de faire de grands cris, qui n’ont rien à voir avec ceux d’hier et des jours qui suivront.
J’étais là.
Alors que moi, j’étais pas là, juste en train de suivre des papillons qui crevaient en quelques heures à mes yeux. T’étais le seul qui avait vécu pendant neuf ans. J’ai aucune chrysalide possible dans le coeur, parce que t’étais un insecte qui les bouffait dès qu’elles s’y déposaient. T’étais là, toujours, comme un organisme vivant étrange, qui s’entortillait sur lui-même. Tu bougeais au rythme des recherches éperdues, claquant du talon bien rangé sur les planches de mes tentatives. Tu m’envoyais à la mer à chaque fois que j’essayais de créer d’autres équipages, et j’acceptais avec plaisir parce que j’étais un capitaine qui ne prenait qu’une matelot à bord. T’avais de la place sur mon bateau pirate, parce que personne ne comprendrait notre amour pour les abordages douteux et nos cartes bordéliques. T’avais été là, quand j’avais tenté de comprendre les dix mille façons de sociabilisation, t’avais été une étoile dans le ciel et toutes les starlettes me semblaient fades à côté.
J’avais des diodes plein les yeux de regarder sans cesse les mêmes photos, et j’ignore si t’as vraiment pas changé en dix ans ou c’est juste mon cerveau qui peine à se détacher d’images connues.
T’étais là, maintenant, mais pendant deux ans, j’aurai pu m’épargner les explosions, le bleu de l’amer, l’enfer du Ciel et les regrets ancrés.
« Je … Je me sens pas très bien. »
J’ai toujours des gerbes de fleurs du mal dans la gorge, et elles poussent dans notre suite le long des plaintes dans les coins. J’ai le souffle court et je panique. C’est pas possible. C’est pas putain de possible.
Elle me déteste sûrement encore et toujours parce que y avait une compet de gymp et dans mon rêve y avait des rats qui la mangeait et peut-être que c’est arrivé aussi dans la réalité et qu’elle a été mordue par des rats à cause de moi et que c’était débile et que j’aurai pu faire de grandes choses mais j’avais des petits trous dans le crâne et de la fumée dans les poumons et que j’avais refusé toute aide et tout mais juste du blanc dans la gorge et dans le crâne et des flashs et des ronds sur la langue qui se sont dissout parce que j’en
J’en POUVAIS plus de ce PUTAIN de GRIS et DELAVE et NUL et parce que je sais que oui oui on a des visions moins colorés quand on est un homme mais quand même c’était pas PUTAIN DE POSSIBLE d’avoir zappé ça et tu me détestes parce que je vois que tu t’es rapprochée et que t’as sûrement envie de me mettre un coup de tête au fond, que t’as sinon un peu de cyanure sur les lèvres et là du coup j’ose pas bouger, pas déglutir, rien faire, même pas y répondre parce que sinon tu seras empoisonnée aussi ou sinon t’as déjà un antidote alors que j’avais essayé de trouver le mien avec des cachets ronds avec des smileys cons et débiles qui servaient à rien la promesse c’était de l’acide dans ma vue j’avais que de l’acide dans le coeur et
PUTAIN DE MERDE c’est pas PUTAIN de POSSIBLE et j’ai envie de hurler et j’ai envie de fusionner avec la honte la cabane le reste mais de te laisser tranquille parce que j’ai honte j’ai honte j’ai putain de honte et
« … Je … Je reviens ou … Ou viens ou … Ou pas parce que mais … Désolé mais je … Je … Je sais pas et … Je … Je me sens juste sale. »
C’est pas de ta faute, et tu le sauras certainement pas. Moi non plus, je le sais pas. Je suis persuadé, au fond, d’être quelque chose comme une midlife crisis, même si je suis étonné de capter de la sincérité dans tes prunelles.
J’ai décidément envie de m’arracher les cordes vocales. C’était des muscles pauvres en protéine, et sûrement que je pourrais m’en passer.
L’eau coule au fond de la baignoire et j’ai laissé la porte de la salle de bain ouverte. Je fixe la faïence qui se remplit, et j’arrive pas réellement à penser. Je me dis que le blanc est une couleur étrange, et qu’elle serait plus jolie avec un peu de turquoise.
L’eau est chaude, beaucoup trop chaude, et mon épiderme le sent pas réellement. J’ai envie de degrés explosifs, que les liquides me détruisent le corps et la gorge.
« Je suis désolé je suis désolé je suis désolé je suis désolé je suis désolé pardon pardon désolé putain pardon désolé c’est pas possible ... »
Elle va partir de la chambre. Je pourrai peut-être bouffer le rideau de douche pour m’étouffer avec et ça sera plus rapide que si je le fais avec ma honte.
L’eau se teinte d’orange et de bleu et décidément.
Je me sens pas moins sale.
Et maintenant, j’ai peur, et je suis prêt à devenir un pot de peinture éclaté sur le sol, qui rampe jusqu’à la porte de la salle de bain.
« … Nova-Blue ? »
J’appelle un peu doucement, comme si ma voix m’effrayait. Je m’en méfie, maintenant. C’était un feu de forêt en plein été, avec mes couleurs chaudes affichées fièrement sur le crâne. J’arrive pas à arrêter de trembler et j’ai un incendie dans la tête.
« NOVA-BLUE ? »
Pourquoi je PARLE.
Pourquoi j’ouvre ma PUTAIN de GUEULE de requin MARTEAU parce que j’étais MARTEAU et j’étais un MARTEAU dans sa vie à venir clouer des REALITES VIEILLES de neuf ans et j’étais INCAPABLE de fermer des cercueils et je jouais les vampires immortels à POMPER LE SANG d’autrui et à POMPER TON PUTAIN DE TEMPS.
J’ai la gorge qui se serre et ni l’eau brûlante, ni les bruits lointains de la cabane peuvent les calmer.
« … T’es là? T’es toujours là ? »
Je le dis à moi-même, mais ma voix tremblante s’exporte au dehors de la salle de bain. Je contrôle plus son volume, je contrôle plus son timbre, et il semblerait qu’elle soit beaucoup plus aiguë désormais.
Litanie d’excuses qui s’éclatent dans l’eau dans des désolés obsédants, j’ai envie de détruire des murs pour ressentir le contre-coup. Les poings serrés, mes incisives se posent sur mon index pour s’y inscrire. Je me marierai à moi-même, et il va pleurer des cordes le jour de mon mariage, et c’est tant mieux parce que je pourrai les chopper pour m’inscrire des couronnes violettes autour du cou.
Je suis idiot un abruti et je m’étouffe longuement. Sûrement qu’elle a été blessée y a deux ans, qu’elle a du se battre contre des bandits comme dans mon rêve, et je sais plus réellement si je suis vraiment réveillé, éveillé ou endormi parce que cette suite est trop belle, et la suite a des airs de paradis.
J’ai envie de noyer mon téléphone.
J’ai envie de noyer mon téléphone.
J’ai envie de NOYER ce PUTAIN de téléphone. Qu’il appelle plus jamais personne, qu’il fasse plus jamais de conneries et-
Je me frappe le crâne à grands coups de paume, parce que j’ai envie de refoutre mes neurones en place et c’est ce que je faisais sur mon téléphone quand il marchait pas ou qu’il marchait mal.
Je vais le noyer, puis avaler l’eau, puis m’électrocuter, parce que les stars finissaient comme ça et que j’aurai peut-être ma putain de place dans le ciel avec Nova-Blue. Viens, on devient une constellation à deux, parce que c’était suffisamment.
J’ai encore le visage un peu bleu et orange, pendant que j’ai contaminé cette putain d’eau de peinture et que-
Je me sens toujours pas propre.
Je suis sale.
J’ai envie d’hurler et je frappe ma tempe qui rougit. J’ai le corps rouge à cause de l’eau brûlante et c’est pas ma couleur, ça.
Les endorphines me calment lentement, et j’ai honte. On dit bien être rouge de honte, après tout. Les espaces se touchent difficilement, et j’opposais des galaxies aux naissances opposées.
Quand elles étaient sincères et pleine d’espoir, je les regardais avec des trous noirs dans les prunelles, parce que c’était absurde.
Je vais noyer ce putain de téléphone, parce que c’est de sa faute.
Clic-clac, clic-clac, je dégouline au sol comme une tâche de pétrole étrange. J’arrive au niveau de la cabane et j’aperçois Nova-Blue.
Elle est toujours là.
« … Ca va ? »
Je vais noyer ce putain de téléphone, parce que c’est de sa putain de faute.
« Je suis revenu et … Attends… J’ai un truc important à faire … Et … Au moins, je … C’est TRES important la gym et c’est idiot je suis un complet idiot je suis même débile et putain c’est de sa faute à lui aussi là d’appeler à n’importe quelle heure et putain mais j’ai SI honte Nova-Blue je suis désolé putain ça a du être super gênant mais putain putain putain de merde je suis désolé vraiment excuse moi j’ai je suis enfin t’as compris débile débile idiot et » les mots se paument. « Enfin. » Ils se recentrent. « Je suis désolé. Je tiens fort à toi. T’es importante. Mais c’est débile d’appeler les gens aussi tard. »
Je vais le noyer.
« Puis, j’ai besoin d’un nouveau téléphone. Tu viens ? »
Dans la salle de bain, l’évier se remplit et mon putain d’Iphone 5 se noie dedans.
Je suis soulagé, parce que j’ai l’impression d’avoir tué une partie de mes regrets et maintenant.
Maintenant plus besoin d’obsession étrange quand j’ai des big bang vivants pour jouer des symphonies dansantes dans des big bands joyeux.
L’eau est propre.
Je suis de nouveau à côté de la cabane, et j’ai fais une connerie. J’ai des bracelets d’excuses dans mes doigts quand j’attrape sa main à travers la porte de notre univers. J’ai l’impression de plus y avoir le droit, parce que j’ai éclaté des systèmes solaires pour devenir une gigantesque lune toute noire.
« … J’aurai pas du péter un câble comme ça, je suis désolé … J’essaie de … Enfin d’évoluer parce que j’ai … Je suis juste. »
Je prends une grande inspiration.
« Je suis juste si heureux que tu sois là, ici, là, maintenant, dans cette suite, et j’ai … enfin, si tu veux bien, on peut passer la journée ensemble ? On ferait … Enfin. »
Pause.
« Et puis merde, je suis juste … Trop con. J’ai été con en 2019 de t’appeler et … C’est quoi ton cartoon préféré ? Je suis désolé. Si tu veux bien, je me rattraperai et je viendrai à la prochaine compet parce que … J’aime bien quand tu gagnes parce que tu gagnes toujours. »
Et même quand tu perds, tu resteras la meilleure.
Je me sens sale, mais j’ai des envies de grand ménage dans mon crâne. Tout est clair. J’ai mes doigts dans les siens, et des X sur la porte de notre chambre.
On mettait des croix sur les emplacements des trésors pour les retrouver.
« J’ai fais un bain propre si tu veux. »